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suspicions les plus odieuses contre les fonctionnaires dévoués à leurs devoirs civiques ; on les accusait de fuir devant l’ennemi, d’être d’une lâcheté insigne, d’organiser une Jacquerie contre les opposans, d’ameuter les populations contre les protestans, qu’on traitait d’alliés des Prussiens à cause de la similitude de leur religion ; on représentait les conseillers d’Etat, d’une honorabilité au-dessus du soupçon, qui avaient été envoyés dans les départemens avec les instructions les plus conciliantes, comme des fauteurs de guerre civile ; on les déconsidérait à l’envi. On avait cessé de s’occuper du malheureux Empereur, qu’on ne redoutait plus et qu’on sentait abandonné même par les siens, mais on ne ménageait aucun outrage au régime, à la dynastie. On avait pris pour thème que la véritable cause de nos malheurs était dans les institutions que le pays s’était données en 1852, et qu’il venait de confirmer par le plébiscite. « Toujours le gouvernement ! disait Jules Favre, jetons nos béquilles une bonne fois. » (18 août.)

En vain le président Schneider essayait-il de réprimer ces excitations à l’illégalité ; en vain quelques députés fidèles, tels que Vendre, Laroche-Joubert, d’Aiguevives, Haentjens, l’appuyaient-ils par de virulentes apostrophes, la conjuration parlementaire suivait imperturbablement son cours. Kératry déposa une proposition demandant que six députés élus par la Chambre fussent adjoints au Comité de Défense de Paris. ; C’était encore un empiétement du pouvoir parlementaire. Palikao s’y opposa avec énergie. Thiers soutint alors une autre proposition qui, disait-il, devait tout concilier : c’était de réduire à trois le nombre des députés à adjoindre au Comité. Le ministère répondit qu’il accepterait cette adjonction, à condition que le choix des trois députés serait fait par le gouvernement lui-même et que Thiers serait l’un d’eux (23 août). Thiers protesta : il ne voulait pas être nommé par le gouvernement. La Commission élue par les bureaux pour étudier les propositions le choisit néanmoins comme rapporteur. Thiers consentit, mais déclara que son rapport ne serait fait que le lendemain.


VI

Le lendemain, de bien plus poignantes agitations venaient troubler la Chambre et retarder le débat. Le bruit s’étant