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une de ses longues harangues habituelles : « Est-ce que vous croyez que lorsque l’armée française, luttant contre l’ennemi, vient d’être battue à ce point qu’il n’en reste que des débris, les troupes sans cohésion, qui sont elles-mêmes pénétrées du désastre de nos armes, vont livrer bataille à la population de Paris ? Mais vous êtes comme gouvernement à la merci d’une nouvelle défaite à la frontière, et la guerre civile dans Paris pour vous maintenir en de telles circonstances est impossible. Oui, vous êtes désormais à la merci d’un nouveau désastre militaire : espérons qu’il ne viendra pas ; mais, s’il vient, ne comptez que sur l’autorité morale que vous aurez su acquérir, pour contenir la population. Par des efforts qui lui montrent à quel point vous êtes résolus a remplir vos devoirs patriotiques, prenez de l’autorité morale. Avec elle, vous pouvez espérer de vous sauver ; pour moi, momentanément j’en ai un peu, je vous l’offre. »

Alors un des membres du Conseil lui dit : « Mon général, il faut évidemment se servir de la force morale, mais enfin quand elle ne suffit pas, il faut que la force armée intervienne. » Trochu répondit qu’on ne devait pas douter qu’il ne sût remplir à l’occasion son devoir de soldat et qu’il réprimerait l’émeute. Quoique n’ajoutant pas foi à ces assurances, les ministres s’en contentèrent et lui conservèrent son commandement. Ils firent plus. Ils l’introduisirent au Conseil de défense et portèrent ainsi un nouveau coup à l’esprit de hiérarchie et de respect. Le président de ce conseil était le maréchal Vaillant ; son grade, son expérience, sa capacité, son âge le désignaient à cet honneur ; on lui fit donner sa démission, et Trochu fut investi de la présidence à sa place (19 août).

Une autre proclamation de Trochu amena un nouvel orage. Elle était adressée aux mobiles de la Seine qu’il avait ramenés avec lui et qui paraissaient l’objet de ses prédilections : « Gardes nationaux mobiles de Paris, j’ai demandé votre appel immédiat à Paris parce que c’était votre droit, parce que votre devoir est là, parce que j’ai en vous la confiance la plus entière… A bientôt ! Entre toutes les troupes réunies pour la défense de Paris, vous serez la première que j’aurai la satisfaction de passer en revue (23 août). »

Palikao fut à juste titre indigné de ce langage. Il déclara à Trochu qu’il était incroyable que lui, gouverneur d’une place à