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opposé, à savoir l’exclusion des socialistes unifiés. Sans doute ils conserveraient leur importance parlementaire ; un groupe de cent et quelques membres, qui a un programme beaucoup plus ferme que celui des radicaux et obéit à une discipline plus étroite que la leur, ne saurait être traité par prétérition ; mais enfin il ne saurait faire partie d’une majorité de gouvernement. La question est donc de savoir si, en dehors des socialistes, on peut avoir une majorité dans la nouvelle Chambre, et vraiment nous le croyons, puisqu’il resterait 500 membres. Il semble qu’il y ait là les élémens d’une majorité : on n’aurait même pas besoin de tout prendre. Elle se formerait naturellement autour des deux ou trois questions principales que nous avons énumérées. Les socialistes unifiés ont montré jusqu’ici une impatience extrême de poser la question militaire, et M. Jaurès, dans son journal, déclare quotidiennement qu’elle doit être résolue sans le moindre retard. Il ne supporte pas la pensée que la Chambre reste un seul jour incertaine sur un point aussi important, et nous sommes de son avis. Eh bien ! soit : on peut se compter là-dessus. Nous ne savons pas quel sera le ministre qui aura à soutenir la discussion ; mais, quel qu’il soit, il défendra la loi de trois ans. Il la défendra parce que le sentiment de sa responsabilité lui en fera une obligation impérieuse et aussi parce que les élections viennent de lui montrer que la volonté du pays était de la maintenir. Que feront les socialistes ? Ils voteront comme un seul homme contre le gouvernement et contre la loi, et cependant le gouvernement et la loi auront une grande majorité. De cette majorité personne ne les aura exclus, ils s’en seront exclus eux-mêmes, et, après l’avoir fait une première fois, ils le feront une, seconde, ils le feront une troisième, ils le feront toutes les fois qu’un grand intérêt politique, national, gouvernemental sera en jeu. Il n’y aura qu’à les laisser faire et à ne pas courir après eux.

Mais quel sera le ministère de demain ? C’est encore une question que les journaux agitent : la solution en appartient surtout au président du Conseil, M. Doumergue. Il a annoncé, paraît-il, l’intention de se retirer et nous le comprenons sans peine. En vain lui assure-t-on qu’il n’a aucune bonne raison de le faire, qu’il n’a pas été battu aux élections, que ses candidats, — car nous n’apprendrons rien à personne en disant que jamais la candidature officielle n’a sévi plus effrontément qu’aux élections dernières, — que ses candidats ont triomphé en majorité, M. Doumergue sait fort bien où le bât le blesse. Peut-être aurait-il en effet, comme entrée de jeu, une majorité à la