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L’existence d’une vaste atmosphère absorbante autour du Soleil, probable a priori en vertu de toutes les analogies astronomiques, est déjà démontrée expérimentalement par la décroissance de 1 état du disque solaire du centre au bord et par les raies noires de Frauenhofer dans son spectre, qui prouvent l’existence autour de lui d’une couche de gaz relativement froids et définis chimiquement précisément par ces raies. Mais c’est en réalité les éclipses totales du Soleil qui nous ont d’abord révélé l’atmosphère solaire. En temps habituel, elle nous est complètement invisible pour les mêmes raisons qui empêchent de voir les étoiles en plein jour : l’éclat du disque solaire lui-même et la lumière diffuse de notre ciel bleu. La lumière du jour a donc été longtemps un obstacle à nos progrès astronomiques ; si le rideau éblouissant qu’elle étend devant le ciel est tissé de rayons éclatans, c’est un rideau quand même, car il nous rend pareils aux phalènes qu’une lumière trop vive empêche de voir plus loin que le bout de leurs ailes.

Les éclipses de Soleil, déchirant à de rares intervalles ce rideau, ont révélé autour du disque obturé par la noire gibbosité de la Lune, une immense gloire lumineuse dont les banderoles s’étendent jusqu’à plusieurs millions de kilomètres, et qui se divise ainsi : d’abord, tout autour de l’astre un mince anneau rose vif, on dirait de rubis, qu’on appelle la chromosphère et d’où s’élancent de minces flammèches, roses aussi, les protubérances. Celles-ci ont souvent plusieurs centaines de milliers de kilomètres d’étendue, et on les voit se déplacer et changer de forme pendant la faible durée d’une éclipse avec une vitesse que le calcul montre fantastique, et qui dépasse souvent 100 000 kilomètres par seconde. Tout autour de la chromosphère et de ses protubérances roses, s’étend l’immense atmosphère coronale, l’immense couronne verdâtre qui constitue l’atmosphère externe du Soleil.

L’étude spectrale de ces diverses couches faite depuis un demi-siècle dans les éclipses a prouvé que la chromosphère et les protubérances sont composées surtout d’hydrogène luminescent, et que la lumière verte de la couronne provient d’un gaz qui n’a pu être encore identifié à aucun de ceux qu’on connaît sur la terre. On l’a appelé le « coronium. » — Le fait n’est d’ailleurs point sans précédent, puisqu’on a découvert également dans l’atmosphère solaire, lors d’une éclipse il y a une quarantaine d’années, un gaz inconnu qu’on a nommé