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les maîtres du passé, ni par ceux qu’il put voir et écouter. Les connaissances qu’ils lui donnaient, il voulut les puiser à leur source dans la langue même où ils les avaient exposées, les contrôler et les augmenter par l’expérience internent externe. Si la Renaissance et la Réforme s’appliquèrent à étudier les langues sacrées et profanes, si le XVIe et surtout le XVIIe siècle entreprirent de vérifier par l’observation toutes les assertions de leurs prédécesseurs, si les modernes doivent surtout à l’expérimentation et au calcul la connaissance exacte et précise de la nature, si Spinoza, Richard Simon et leurs successeurs ont voulu faire de l’exégèse biblique une véritable science, si des philosophes demandent aujourd’hui à l’intuition ou à l’expérience intérieure une métaphysique qui maintienne l’accord entre la science, la religion et la philosophie, nous savons bien que Roger Bacon n’a pas réussi à réaliser tout ce que nous devons aux uns et aux autres, mais nous sommes persuadés aussi qu’il a vu combien il serait avantageux de le faire et comment on pouvait y travailler utilement. Nul ne saurait mieux, du XIIIe siècle à nos jours, donner l’idée de cette humanité si souvent comparée à un homme qui vieillit toujours en apprenant sans cesse ; nul ne montre mieux ce que le travail personnel réussit à faire d’un esprit supérieurement doué qui ne néglige aucune des sources d’information propres à alimenter sa recherche et sa réflexion.


FRANÇOIS PIGAVET.