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(Brazen nase Hall), qu’il annonçait une intelligence supérieure et qu’il obtint des succès précoces. Il nous apprend qu’il eut des maîtres fameux et qu’il fut lui-même célèbre par son enseignement, qu’il prit part, comme élève et comme maître, aux exercices scolaires auxquels il attribue une grande valeur pour l’éducation intellectuelle.

L’homme a besoin de maîtres : « Livré dès sa naissance a l’ignorance et à l’erreur, il répugne à la raison comme une brute ; même arrivé à l’âge de discrétion, il ne rechercherait jamais la sagesse si ses parens, ses maîtres, ses supérieurs ne l’y forçaient. Et en ce cas encore, il est rebelle au point qu’il profite fort peu dans ses trente premières années. Pris ensuite par des habitudes d’ignorance et d’erreur, il méprise ce qui a le plus de valeur pour rechercher les richesses et les plaisirs de la vie charnelle. C’est la conséquence du péché originel, de nos péchés, contraires par leur nature à la sagesse ; c’est la conséquence encore des quatre causes, autorité injustifiée, sentiment du vulgaire ignorant, puissance de l’habitude, obstination de l’âme qui se console de son ignorance, en réprouvant ce qu’elle ne sait pas. » Il en a besoin encore si l’on considère la manière dont les sages ont composé leurs écrits : pour cacher leur pensée au vulgaire, pour n’être compris que des plus studieux et des plus savans, ils y ont mis une quantité innombrable de passages rendus obscurs par des caractères, des vers ou des chants, des paroles énigmatiques et figuratives, par l’emploi des consonnes non accompagnées de voyelles, à la façon des Hébreux, des Chaldéens, des Syriens et des Arabes, par le mélange de lettres de divers genres, hébraïques, grecques et latines, ou même de lettres forgées a volonté, enfin en notant et écrivant avec brièveté et rapidité, comme les notaires. Comment sans maître pourrait-on les comprendre alors qu’on ne peut, avec tout ce qui a été écrit pour l’expliquer, saisir seul le problème soulevé par Porphyre, à propos des universaux ? C’est parce qu’ils n’ont pas eu de guides capables de leur faire comprendre la philosophie dont étaient en possession les écoles du XIIIe siècle, c’est pour avoir voulu être maîtres avant d’avoir été disciples, que Thomas d’Aquin et Albert le Grand, que les jeunes gens des deux ordres mendians, abordant ainsi l’étude de la théologie, qui requiert toute la sagesse humaine, n’en ont tiré aucun fruit, et que la corruption des études a été suivie par la corruption