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invétérées des adhérens de nos associations. Or ces adhérens ne se sont réveillés qu’au dernier moment et lorsque le décret de convocation des électeurs a été publié par le Journal Officiel : il était alors trop tard pour agir utilement et pour engager une bataille avec des chances sérieuses de succès.

En définitive, sur 2 904 candidats qui ont fait la déclaration exigée par la loi, avant le scrutin du 26 avril, c’est à peine si la Fédération des Gauches et l’Association Républicaine démocratique réunies ont pu en opposer un total d’environ 120 aux candidats officiels du parti radical. Ce n’est donc que dans 120 collèges que la bataille a pu se livrer entre les deux camps opposés. Dans tous les autres, elle a eu lieu selon la fâcheuse méthode de l’ordre dispersé ; tantôt le candidat radical n’avait à lutter que contre un concurrent improvisé de l’Action Libérale ; tantôt, contre un concurrent socialiste. Au surplus, la discipline n’existe guère que dans le parti socialiste ; les autres ne sont pas organisés ; ils manquent de ressources, d’hommes d’action et de comités locaux assez forts pour fournir une aide efficace à des candidats choisis d’avance. Le petit scrutin a découragé toutes les initiatives, annihilé toutes les bonnes volontés, provoqué le scepticisme et l’indifférence.

M. Poincaré disait dans un discours qu’il prononçait à Commercy, le 23 août 1896 : « La députation est devenue un emploi, un métier, une fonction, au lieu de rester un contrat de bonne foi entre les électeurs et les élus ; et nous nous acheminons peut-être rapidement vers l’heure où elle ne sera plus, sauf de rares exceptions, que le luxe de la richesse ou le gagne-pain du politicien d’aventure. On ne saurait trop dénoncer un tel péril. C’est par un échange de forces avec tout ce qui travaille et tout ce qui pense dans le pays que les assemblées délibérantes peuvent se vivifier et se rajeunir. Le jour où naîtrait une sorte de classe politique et parlementaire sans attaches avec les parties les plus vivantes de la démocratie, sans racines dans les profondeurs du sol national, qui sait entre quelles mains inhabiles et inexpérimentées, qui sait peut-être entre quelles mains criminelles tomberaient les destinées de la France ! » C’est ce qui s’est produit, en 1914, dans un nombre considérable de collèges du Centre et du Midi delà France ; on a vu surgir une multitude de candidats défendant les idées les plus extravagantes, parfois les mêmes, et se disputant avec âpreté la