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Bemboutaté ; malheureusement, leurs ressources étaient minimes, et hior, j’ai distribué mes deux dernières caisses de riz. Aujourd’hui, un grand village, Koutissa, s’offre à moi : il est urgent de nous y ravitailler.

Toutes les cases sont vides, les habitans ont fui dans la brousse. Je ne peux courir la chance de rencontrer plus loin un village moins sauvage ; je donne l’ordre de ramasser le manioc dans les champs. Au cours de la récolte, mes hommes découvrent un indigène et trois moutons. Je garde les derniers et j’envoie le premier vers son chef, pour que celui-ci vienne chercher le paiement de ce qui lui est dû.

Je l’attends en vain toute la soirée.

Le lendemain, à six heures du matin, le chef d’un village situé sur la rive opposée m’apporte trois poules. Je lui ouvre mes bras, lui explique la conduite indigne et ridicule de son voisin, et, lui ayant fait don d’un cadeau royal, je l’expédie à la recherche de mon créancier. Je tiens à payer mes dettes. Enfin, à neuf heures, je peux m’acquitter et repartir.

Le Niari s’élargit, ses rives s’abaissent, il est coupé de nombreux îlots recouverts d’une forte végétation ; la vallée s’évase, les arbres se présentent sous l’aspect de rians boqueteaux ou de ceinture verte le long d’un ruisseau ; les collines ne se voient plus qu’à l’horizon. De temps en temps, quelques groins d’hippopotames sortent de l’eau, soufflent et replongent aussitôt.


Castellani va de plus en plus mal, j’essaie de l’installer aussi bien que possible, de lui confectionner un abri qui le protège du soleil, mais ce confortable est bien relatif !

Nous venons d’arriver à Kambitchibinga. Par eau, nous sommes encore à dix jours de Zilengoma, le Niari décrivant une énorme boucle ; par terre, affirment les indigènes, nous en sommes à une étape. Je me décide à faire porter Castellani au poste de la Société d’Etudes, où il pourra être soigné. Le convoi est vite organisé. Je fabrique un hamac avec deux couvertures ; je désigne deux Loangos comme porteurs, je prends un homme du village pour servir de guide, et Castellani, presque sans connaissance, est bientôt emporté comme un colis vers Zilengoma. Le retrouverai-je dans dix jours ? Je l’espère, mais son