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sont soupçonnés d’avoir le minimum de revenu imposable, est confié à une commission dont les membres sont choisis par l’Assemblée Communale et pris le plus souvent dans le comité exécutif de la municipalité. La commission, présidée par un agent fiscal, doit s’entourer de toutes les informations possibles ; elle a un pouvoir d’interrogation et d’investigation quasi illimité. Les réclamations sont portées devant une commission de district choisie par la représentation provinciale et présidée par un agent du gouvernement. Cette commission a le pouvoir d’exiger du réclamant toute production de titres, contrats, livres de commerce, etc. Si cette production n’est pas faite, la réclamation est rejetée comme non justifiée. S’il ressort que le contribuable a dissimulé une partie de son revenu, il encourt une amende du quadruple du montant de l’impôt dont l’Etat aurait été frustré.

Tel est le régime prussien. Cet impôt, reposant sur la déclaration la plus strictement contrôlée, a produit, appliqué à tous les revenus dépassant 3 750 francs, une somme de 470 millions en 1912. Si l’on réfléchit que la Prusse a une population un peu supérieure à celle de la France (40 165 219 habitans en 1910), qu’elle s’est énormément enrichie, au point qu’on peut regarder comme probable que sa fortune présente égale celle de la France[1], ce chiffre de 470 millions, qui s’applique à une taxe correspondant à presque tous nos impôts sur les valeurs mobilières, à notre contribution mobilière également et à la plus grande partie de nos contributions directes, n’a rien qui soit particulièrement avantageux.

Un impôt, dont l’assiette comporte autant d’investigations d’ordre personnel et intime, ne peut être supporté que par une population habituée traditionnellement, d’une part, à une rare déférence envers les pouvoirs publics et l’administration et, d’autre part, soustraite aux discordes civiles et aux jalousies locales.

La fiscalité prussienne, car il serait exagéré de parler d’un système fiscal prussien constitué doctrinalement et d’après des principes rationnels, comprend deux autres taxes qu’il est question aussi d’introduire en France : l’impôt dit complémentaire ou sur la fortune et la taxe relative à l’accroissement de la fortune.

  1. Elle serait même plus considérable que celle-ci, d’après les recherches de M. Helfferich.