Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quentes. — Prétexte pitoyable et d’ailleurs mensonger ! Le Berliner Tageblatt, qui n’est pas suspect de complaisance à notre égard, a renvoyé M. Sommer à M. Zimmermann et exprimé le souhait que la ligue apportât désormais plus de modération dans ses tendances. L’incident a eu enfin un épilogue au Reichstag où un commissaire du gouvernement s’en est expliqué. Il a reconnu que le soldat fusillé portait un uniforme « qui ressemblait à celui de la Légion étrangère, » mais il a donné l’assurance que des précautions étaient prises contre le renouvellement de faits pareils et aussi contre la figuration au théâtre de soldats de l’armée allemande. Le gouvernement français, a-t-il ajouté, a pris des mesures analogues touchant l’emploi de l’uniforme allemand dans des représentations publiques en France. La précaution était, croyons-nous, inutile : on a vu quelquefois, chez nous, l’uniforme allemand au théâtre, mais il y a toujours été respecté.

Nous ne voulons pas donner à l’incident plus d’importance qu’il n’en a : cependant il était impossible de le passer sous silence parce qu’il montre à quels excès une partie de l’opinion se laisse aller en Allemagne. Si le gouvernement essaie de les modérer, il n’y réussit pas toujours, et il est alors réduit à leur opposer un désaveu rétrospectif. Il y a là un danger contre lequel, de part et d’autre, nous devons nous prémunir. Des nouvelles, ou fausses, ou exagérées, sont répandues des deux côtés de la frontière. Hier encore, on racontait que tous les Français, sans exception, allaient être expulsés de l’Alsace. Ce serait, ou plutôt ç’aurait été un singulier don de joyeux avènement que le nouveau statthalter aurait fait, en arrivant à Strasbourg, au pays qu’il est chargé d’administrer. La nouvelle, qui paraissait peu vraisemblable, était inexacte en effet : on parle seulement aujourd’hui d’un certain nombre de permis de séjour qui ne seraient pas renouvelés. Même réduite ainsi, la mesure indique des tendances regrettables, car rien, dans les événemens qui se sont produits dans ces derniers temps, n’est de nature à la justifier. On dénonçait, il y a peu de temps encore, en Allemagne, la politique de piqûres d’épingle, qui, à la longue, pourrait amener des coups d’épée. Nous n’en avons jamais été partisan pour notre compte et nous le sommes moins que jamais. Mais s’il y a aujourd’hui des coups d’épingle, d’où viennent-ils ? Est-ce nous qui les portons ? Serons-nous moralement responsables des conséquences ? On comprend d’ailleurs que l’état de l’opinion étant ce qu’il est chez nos voisins, le gouvernement y soit disposé à augmenter encore ses armemens, ou plutôt qu’il se prépare à le faire : réponse