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de l’apôtre d’Assise. Plus d’une fois celui-ci est venu ramener de nouveau « à grande union et concorde mutuelle » le « peuple de grands enfans » qui avait été naguère des premiers, en Italie, à entendre pieusement l’écho de sa voix ; et semblablement je me plais à imaginer l’enthousiasme ingénu avec lequel, pendant l’un ou l’autre de ces séjours ultérieurs à Sienne, il a dû recueillir des lèvres de ses hôtes l’histoire de l’un des plus touchans entre ses devanciers, le bienheureux Sorore, fondateur de l’illustre Hôpital de l’Échelle.


C’était, ce Sorore, un pauvre savetier, né à Sienne vers l’an 830, d’une famille d’artisans obscurs et craignant Dieu. Sa mère, au moment de le mettre au monde, avait eu un rêve : elle avait vu une immense échelle qui s’élevait de terre, et que gravissait triomphalement le fils qui allait naître délie : si bien que celui-ci, dans la suite, a donné pour enseigne une échelle symbolique à l’admirable auberge des indigens et des malades dont il a entrepris de doter sa chère patrie. Après la mort de ses parens, en effet, le jeune savetier s’est mis en quêle d’un moyen pour lui de commencer cette montée qui lui avait été jadis prédite par sa mère ; et le meilleur moyen qu’il a trouvé a été de transformer son humble échoppe en une maison des pauvres. Un beau jour, ses voisins ont eu la surprise de le voir s’employer, en chantant, à démolir sa maison pour la rebâtir plus grande et plus commode ; et bientôt, après s’être moqués, ils sont venus l’aider, et la ville entière n’a pas tardé à connaître l’audacieux projet du jeune savetier. Sans compter que Sorore, comme allait faire ensuite le jeune François, a vite résolu d’obtenir plus ou moins directement la collaboration de ses compatriotes. Il s’en est allé par les rues de Sienne avec une charrette où il entassait les pierres qu’on voulait bien lui donner pour sa reconstruction ; et peu s’en est fallu, sans doute, qu’il ne promît déjà aux gens qu’il rencontrait « une récompense au ciel pour celui qui lui donnerait une pierre, deux pour celui qui lui en donnerait deux, » et ainsi de suite.

Le fait est qu’en très peu de temps Sorore a pu offrir aux pauvres de Sienne la plus belle et somptueuse auberge de la chrétienté. L’étranger, l’indigent, le malade, l’enfant, chacune de ces quatre catégories d’hôtes y était assurée d’un accueil amical. L’étranger y trouvait un logement, l’indigent un repas, le malade des soins, tout cela pour l’amour de Dieu, de la part de Dieu ; et quant aux enfans orphelins ou abandonnés, pour eux l’Hôpital de l’Échelle constituait une école en même temps qu’un abri, — ainsi que nous l’apprend aujourd’hui