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fut le berceau d’une nouvelle école espagnole, car les exemples ne manqueront pas. Après M. Sorolla y Bastida, après M. Rusinol qui continue d’exposer d’éclatantes Cours bleues ou des Jardins d’Aranjuez, après M. Zuloaga, voici M. Vazquez qui s’impose à l’attention par son tableau, L’Offrande des membres des confréries en Estremadure espagnole (Champs-Elysées, salle 37) et M. Benedito Vivès, qui peint un excellent portrait de chasseresse, avec un chien admirable, dans les tons de Velasquez, salle 2.

On pourra aussi dater de notre époque un renouveau d’orientalisme dans notre Art. Nos peintres ont décidément passé la Méditerranée. Ils l’avaient déjà passée avec Delacroix, avec Decamps, avec Fromentin, avec Marilhat, plus récemment avec Guillaumet. Mais, aujourd’hui, c’est une foule. Toute cette foule ne revient pas avec des trésors. Il faut tirer, de là, pour les admirer plus à loisir, les envois de M. Dinet, Baigneuses surprises, la Quesba, les Guetteurs, avenue d’Antin, et, aux Champs-Elysées, l’éblouissant Été, Sahel algérien, de M. Henri Dabadie, l’Alger vu du port de M. Léon Cauvy, dans la manière de Brangwyn, et les deux tableaux de M. Gourdault, Fête arabe à Gafsa et Le Fondouck aux colonnes, d’un haut ragoût de couleurs.

L’Orient n’inspire pas à nos peintres seulement des Orientales, des scènes de fantasia ou de farniente : il commence à leur inspirer des essais de psychologie : de la défroque clinquante, leur observation a pénétré jusqu’à l’âme de ces peuples. Il se passe en peinture à peu près ce qui s’est passé en littérature, où l’observation lucide et précise d’un Louis Bertrand a succédé aux brillantes et superficielles pochades des romantiques. La couleur est restée ; mais il y a autre chose. Voici M. Dinet, par exemple, qui tente de nous initier aux mouvemens de l’âme musulmane, en faisant pour Mahomet ce que M. Maurice Denis et M. Burnand ont fait pour saint François d’Assise : une suite de trente-cinq miniatures pour illustrer la vie du Prophète (avenue d’Antin, salles du rez-de-chaussée). Seulement, il n’a pas représenté le Prophète lui-même, ni rien de surnaturel, et il a pris la peine de nous expliquer pourquoi : « Musulman sincère, dit-il, l’artiste s’est refusé à enfreindre les véritables principes de l’Islam qui, s’ils admettent la reproduction de la figure humaine, contrairement à une opinion généralement répandue, interdisent non seulement l’image de la Divinité, comme un