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dans l’affaire d’Orient, a produit un effet foudroyant à Paris[1]. Pendant deux jours entiers, on ne parlait que de guerre, mais déjà l’on commence à se calmer. Il n’en est pas moins vrai que cette alliance entre l’Angleterre et la France, que M. Thiers déclarait éternelle, n’existe plus ; aussi les journaux français ne trouvent-ils pas d’expression assez forte, pour peindre leur dépit contre la politique anglaise et lord Palmerston surtout. Quant au gouvernement français, il s’arme par terre, et surtout par mer, pour se mettre en mesure contre l’Angleterre ; tout cela aura pour résultat une augmentation de budget et des crédits supplémentaires.

Thiers avait espéré que l’opinion, en Angleterre, serait contraire aux mesures prises par Palmerston et que l’adhésion de celui-ci à la quadruple alliance entraînerait sa chute. Mais il est arrivé précisément le contraire et les Tories mêmes se sont ralliés dans cette circonstance à lord Palmerston. Cependant, Thiers est bien décidé à lutter contre l’Europe et à mettre huit cent mille hommes sur pied, s’il le faut. Malgré toute cette jactance, nous n’aurons pas la guerre, parce que personne ne la veut et ne peut la vouloir.


29 août. — Hier soir, visite à Saint-Cloud pour présenter Annette à la Cour[2]. Elle était fort bien mise : elle avait une robe en poult de soie rose de Malines, sur la tête une petite calotte grecque brodée en perles, beaucoup de diamans dans les cheveux, de superbes pendeloques et, à son corsage, son incomparable émeraude entourée de diamans. Ce bijou a fait l’admiration de toute la Cour, par sa beauté et sa prodigieuse grandeur. Le reste du corsage était orné d’un esclavage en brillans, qui fait partie d’un grand collier que l’empereur de Russie a donné à Annette le lendemain de ses noces.

  1. Ce traité, qui réglait la question d’Orient, en dehors de la France, fut signé à Londres le 15 juillet, à l’insu de Guizot qui était alors ambassadeur et sans qu’il s’en fût douté.
  2. . Le mariage de Rodolphe II, fils de l’ambassadeur, avec Mlle de Benkendorff avait été célébré le 10 mai à Saint-Pétersbourg. À l’occasion de ce mariage l’empereur Nicolas avait témoigné avec éclat de la haute estime en laquelle il tenait le comte de Benkendorff : non content d’assister à la cérémonie nuptiale orthodoxe et à celle de l’église catholique, il voulut conduire lui-même la fiancée à l’autel. Il avait revêtu à cette occasion le costume hongrois et portait le grand cordon de Saint>Étienne. C’est l’Impératrice qui avait coiffé la mariée. Les époux n’avaient pas tardé à partir pour Paris.