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du ciel, » au lieu du « pasteur amoureux, » a su donner à son emprunt une valeur tout autre.

Qu’on se reporte maintenant à l’épisode du nid de mésanges, dans le chant II. Sur le conseil de Vincent, Mireille met dans son corsage les oisillons qu’il s’emploie à lui dénicher. Mais à peine a-t-elle arrangé sous son « fichu à fleurs » la couvée aux « têtes bleues, » aux « petits yeux fins comme des aiguilles, » que le chatouillement désagréable des griffes et des becs pointus lui arrache le cri : « Ils m’égratignent, ils me piquent ! » Le garçon arrive à l’aide et « présente, en riant, son bonnet de marin. » L’idée, peu ordinaire, de loger les oiseaux dans le sein de Mireille est venue à Mistral de ce passage de Longus : « Une cygale, » que « l’arondelle » poursuivait, « se vint jetter en sauvegarde dans le sein de Chloé. » La jeune fille dormait, L’aile de l’oiseau l’éveilla, en effleurant sa joue. « La cygale se print à chanter encore entre les testins mêmes de la pastourelle, comme si avec son chant elle luy eût voulu rendre grâces de son salut : à l’occasion de quoy Chloé ne sachant que c’estoit, s’escria de rechef bien fort, et Daphnis s’en print de rechef à rire et lui mit la main bien avant dans le sein, dont il tira la gentille cygale, qui ne se pouvoit encore taire, quoy qu’il la tint dedans la main… » L’imitation, ou tout au moins la suggestion, ne paraît pas douteuse. On trouverait d’autres rapprochemens.

Mais les anciens n’ont fourni à Mistral que quelques-unes des couleurs dont il a chargé sa palette, avant de composer Mirèio. C’est du fonds populaire qu’il a tiré ses ressources les plus précieuses, et c’est ici surtout qu’il nous faut reconnaître et l’influence du foyer et la tradition maternelle. Il nous a dit quel crève-cœur ce fut pour lui, lorsqu’il entra au collège, de ne plus entendre la voix de celle qui chantait, sa quenouille en main, le Pater de Noël, Marie-Madeleine, pauvre pécheresse, la Petite porchère, le Mousse de Marseille, la Belle Margoton, la Mariée honteuse,, l’Oiseau en cage. C’est de sa mère qu’il avait appris le nom de Mireille, rare et peu connu, même en Provence, à cette date-là. Entre les mains du fils s’est singulièrement conservé et accru ce pécule de légendes, de chansons, de dictons rustiques, de mots qui ont jailli du sol même, et qui ont le parfum du cru, la saveur du terroir. C’est ce qui donne à ce poème de jeunesse un de ses caractères essentiels.

Voyez l’arrivée des vanniers. Mireille les accueille par le