Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme de Staël est la lettre suivante que cette dernière adressait à Charlotte Schiller, peu de temps après la mort de Schiller.

Je suis bien touchée de votre billet, my dear Madame ; croyez que j’ai été plus émue pour vous que je n’osais l’exprimer de peur de vous faire du mal. Donnez-moi de vos nouvelles, aimez-moi ; je vous reverrai, je l’espère, et vos enfans et vous et le noble souvenir qui vous entoure s’unit à mes plus chères pensées. Peut-être mon père est-il avec Schiller ? Dear Madame, je vous serre contre mon cœur.

III

Je reprends la suite des lettres adressées par Mme de Staël à M. Necker :

Je reçois une lettre de toi, cher ami, qui m’annonce que tu as bien dormi, c’est la plus douce de toutes les lettres. Écris-moi, je te prie, directement ici, le détour par Francfort est trop long. Je crains tes réponses à de mauvaises lettres de moi, mais tu me connais, tu m’épargneras ma punition.

Ma fille est très bien, Dieu merci !

Je rouvre ma lettre pour te prier de m’envoyer une lettre pour M. de Hardenberg chez MM.  Schickler banquiers à Berlin. Ce sont eux qui ont succédé à MM.  Dohm et Spiegel, pour qui tu m’as donné une lettre de crédit de 500 louis dont je ferai usage quand celle de la même somme, que m’avait donnée M. Récamier sera usée. J’espère que mes six mois de voyage, tout compris, n’excéderont pas ces deux sommes, et je t’assure que pour cela, avec Bosse, il faut de l’économie.

Il y a ici une lettre de Russie qui dit que l’on recrute, mais que ce n’est pas un armement sérieux ; je suis bien portée à le croire ; l’Europe est plus que pacifique ; plus on la voit, plus on le croit. L’Hanovre[1]est traité cependant de la manière la plus cruelle ; il arrive sans cesse des Hanovriens ici, qui sont vraiment dépouillés. La confiance dans la descente paraît très diminuée dans l’armée française.

Adieu, cher ange, n’oublie pas M. de Hardenberg. Je dis à Auguste de t’écrire sa vie à la ville et à la Cour.


Je joins quelques paroles à ce barbouillage d’Albertine[2], mon cher ami : la copie de la lettre où tu as nommé Mme d’Erlach. Elle m’a fait la même impression qu’à toi mais j’aime pourtant qu’il l’ait écrite[3]. Il ne faut pas oublier qu’il est prince et c’est une chose remarquable que le caractère de ce genre ; il n’y a pas d’individualité qui puisse triompher du caractère de l’espèce, mais nous causerons de tout cela avec le beau

  1. Le Hanovre était à ce moment occupé par l’armée française.
  2. Une lettre de la petite-fille de M. Necker était jointe à celle de Mme de Staël.
  3. Le début de cette lettre est obscur. Je ne saurais dire à qui se rapporte cet : il.