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vous. C’était le doux accueil d’un ami en revenant à la maison. J’espère que vous et Schiller vous dînez chez moi aujourd’hui. Je serais trop triste de rester si longtemps sans vous voir ; le jour de mon départ s’approche, mais sûrement je reviendrai.

À ces aimables billets Charlotte Schiller répond sur un ton affectueux qu’il n’y a point lieu de mettre sur le compte de la politesse. Elle semble en effet s’être prise d’un goût véritable pour Mme de Staël. Excusant une de ses amies dont Mme de Staël avait désiré faire la connaissance et qui, étant dans le chagrin, s’était refusée à la visite, elle ajoute :

Pour moi, je trouve qu’elle a tort ; comme je vous connais, Madame, j’ai le sentiment dans mon cœur que votre esprit, votre bonté seraient bien propres à me réconcilier avec le sort et je pourrais oublier dans votre personne mes chagrins.

et la lettre, assez longue, se termine ainsi :

Soyez persuadée, Madame, que nous vous aimons tendrement et que nous sentons toutes vos perfections avec admiration. Schiller pense comme moi en ce qui vous regarde. — Votre Charlotte Schiller.

Un autre jour encore elle lui écrit :

Je crains bien que Schiller ne puisse pas sortir de sitôt et que la Duchesse n’aimera pas d’attendre longtemps, car, quand on peut vous admirer et voir cette belle sensibilité de votre âme et entendre les sentimens peints par vous, c’est bien un plaisir qu’on ne peut pas goûter trop ni trop tôt se procurer… Je suis bien aise que vous m’aimez un peu pour moi-même. C’est tout ce que je désirais ; je vous rends bien tous les sentimens de votre cœur pour moi avec reconnaissance et je m’en fais gloire d’oser vous dire combien je vous admire et vous aime.

Cependant le départ de Mme de Staël approchait et Charlotte Schiller lui témoignait en ces termes son regret :

Je me flatte bien que vous me conserverez une place dans votre amitié. Cette pensée est même nécessaire à mon cœur pour vous voir partir tranquillement. Je vous en supplie, laissez-moi l’espérance de vous revoir et ne changez pas de résolution… Adieu, Madame ; permettez-moi de vous dire combien je vous aime.

Schiller, qui était déjà malade à cette époque, devait mourir l’année qui suivit le séjour de Mme de Staël à Weimar, c’est-à-dire en 1805. M. Necker était mort l’année précédente. La dernière trace qui subsiste des relations entre Charlotte Schiller et