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Merci, my dear sir, et, dans l’empirisme ou dans l’absolu, aimez-moi un peu ; moi, je vous aime de tout mon cœur, de tout mon caractère et de tout mon talent si j’en ai.

Mme de Staël fait sans doute allusion dans ce billet à une conversation qui s’était tenue chez elle à un souper auquel assistait sans doute Schiller, car à ce dernier elle écrivait également :

Gœthe s’est engagé à venir vendredi chez moi à sept heures pour y souper si vous vouliez honorer de votre présence ce souper tout à fait intime. Ne me refusez pas, vous qui êtes aussi simple dans vos manières qu’illustre par votre génie. Il n’y aura que Goethe, vous, Benjamin Constant et moi. Vous viendrez sans toilette, n’est-ce pas ? et vous rendrez heureux tous mes moi, l’empirique, l’absolu, etc.[1].

Les archives de Coppet ne contiennent malheureusement non plus aucune lettre de Schiller, qui parlait mal le français et probablement ne l’écrivait pas du tout, mais elles contiennent six lettres de Charlotte Schiller, sa femme. De même les Archives Gœthe et Schiller de Weimar contiennent vingt lettres de Mme de Staël à Charlotte Schiller. C’est à travers cette femme modeste, qui fut pour Schiller une compagne dévouée, que Mme de Staël fait passer ses avances, ses invitations et ses hommages à l’auteur de Guillaume Tell. Charlotte Schiller savait très bien le français et servait d’interprète entre eux.

Voulez-vous dire à Schiller, lui écrit Mme de Staël, que je viens de relire l’Épouse de Messine et que je suis dans l’admiration de la beauté des vers et des idées. S’il est bien et qu’il n’aitirien à faire demain, il devrait venir me voir à cinq heures… Il me semble dur de passer plusieurs jours sans vous voir tous les deux. Je puise du bonheur dans votre âme et des pensées nouvelles dans le génie de votre illustre époux.

Dans une autre lettre, elle lui dit :

J’ai bien disputé hier ? n’est-ce pas ? Que je me désole de ne pas parler la même langue que Schiller, mais vous êtes un aimable interprète entre nous !

Un autre jour encore :

J’ai trouvé en rentrant chez moi hier, Madame, une aimable lettre de

  1. L’original de cette lettre ne se trouve point, comme celles de Mme de Staël à Goethe, dans les Archives Gœthe et Schiller, mais elle a été publiée par M. Urlichs dans les Briefe an Schiller, p. 548.