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Bassoundi, grand détrousseur de caravanes, toujours prêt à massacrer quelques porteurs, non seulement pour s’adjuger leurs charges, mais encore pour créer un incident sur la route, dans l’espoir de gagner quelque chose au règlement de l’affaire.

Et c’est avec des ruses d’apache, par des marches de nuit, au moyen de sentiers détournés, que mon brave porteur cherche à gagner le Pool[1]. Il file sans bruit, il courbe le dos, toujours exposé à recevoir une balle bassoundi au passage des ravins profonds et marécageux qui séparent les collines abruptes et boisées.

S’il réussit, quelle récompense ne mérite-t-il pas ? À son entrée à Brazzaville, il devrait être fêté comme un héros !

Tous ne sont pas des héros, les uns succombent aux charmes du Mayombe, les autres aux exigences des Bakambas ou aux pièges des Bassoundis… mais avais-je raison de les traiter de craintifs ? N’ont-ils pas droit à quelque indulgence ?

Je ne me trompais pas en disant que le Loango était remarquable ; le Loango et sa moutète, silhouette inséparable du paysage congolais.


BRAZZA ET LE CONGO

Si la route de Loango à Brazzaville n’a jamais offert une entière sécurité, si, en 1896, pas une caravane ne consentait à s’y aventurer, loin de moi la pensée, en écrivant ces mots, de vouloir diminuer la gloire de l’homme à qui la France doit son immense empire de l’Afrique équatoriale.

Cet état du Congo n’était que la conséquence forcée des théories humanitaires qui depuis longtemps illusionnaient la France.

Lorsque Brazza, prenant pied sur le Congo, eut ouvert la route du Tchad et du Nil, son action vers la Sangha, vers le Chari, vers l’Oubangui, s’appuya sur le bas Congo. Il eût été nécessaire d’occuper solidement cette région, puisqu’elle allait supporter le poids de la conquête de l’Afrique équatoriale ; mais si Brazza en eût demandé les moyens, on les lui eût refusés. La métropole l’aurait regardé comme un guerrier, un conquérant ; elle acceptait le cadeau qu’il lui faisait, encore fallait-il qu’il ne fût pas exigeant.

  1. Stanley-Pool : nom que porte l’épanouissement du Congo en face de Brazzaville.