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De ce passé ne demeure d’autre vestige que certains mots portugais restés en usage. Ainsi Français, Anglais et Hollandais ont adopté comme mesure, pour métrer les étoffes, la cortade, qui représente 1m, 80.

Loango n’est rien qu’un point de débarquement, la barre y est rarement mauvaise, mais il serait impossible d’y créer un port. Il n’y a de remarquable à Loango que l’indigène : le Loango.

Ce n’est pas que celui-ci ait une intelligence supérieure ; au contact avec des blancs depuis plusieurs siècles, il n’a apprécié dans la civilisation que l’usage de l’alcool. Ce n’est pas qu’il soit brave et guerrier ; il est, au contraire, fort timide devant le danger. Ce n’est pas non plus qu’il soit beau, j’entends beau, à la façon dont les nègres sont susceptibles de l’être ; la race fut belle sans doute à l’origine ; malheureusement, par l’abus de l’alcool, elle est complètement dégénérée. Le Loango est remarquable en un seul point, mais sur ce point il éclipse tous les autres noirs, il est un porteur merveilleux, c’est grâce à lui que la colonie du Congo a pu exister et se maintenir jusqu’à ces dernières années. Les Loangos sont nés porteurs, ils sont certainement venus au monde avec une charge sur la tête. A voir ces hommes dont la plupart sont d’apparence malingre, on croirait que ces corps amaigris, au torse efflanqué, aux côtes saillantes, aux muscles atrophiés, aux jambes décharnées, aux pieds dévorés par les chiques, doivent être incapables du moindre effort. Et pourtant, dès qu’ils ont 30 kilos sur la tête, quelques-uns 60, — ceux-ci sont payés double, — ils partent légèrement de. leur pas glissant, et par étapes, en vingt jours en moyenne, ils vont jusqu’à Brazzaville, à 500 kilomètres de la côte.

Le Loango est un porteur, il n’est rien d’autre. Lorsqu’il ne porte pas, il dort, il boit, ou il extrait les chiques de ses pieds ; encore néglige-t-il parfois cette dernière occupation, et insouciant, perdu dans les rêves que lui procure l’alcool, il abandonne aux chiques quelques-uns de ses orteils.

Loango est, en effet, un séjour de prédilection pour cet insecte, rapporté, dit-on, du Brésil par les noirs qui, après l’abolition de l’esclavage, regagnaient leur pays d’origine. Cette petite puce pénétrante se loge de préférence dans les parties les plus tendres du pied, soit entre les doigts, soit entre les ongles. Elle est presque invisible. Quand elle vous pique, on sent à peine une légère démangeaison, mais dès qu’elle est entrée, elle se met à