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L’amour le plus tendre, le plus simple, le plus attentif, le plus respectueux pour ma mère, entrera essentiellement toujours dans mon type. Je ne lui refuserai rien de ce qui sera strictement licite, et je n’attendrai pas qu’elle me fasse la demande explicite ; un désir de sa part sera pour moi un ordre, et je mettrai tout mon soin et toute ma finesse à les deviner.

Je m’occuperai très peu de former des combinaisons pour l’avenir, et, lorsqu’il me viendra des troubles à cet égard, j’y appliquerai le procédé susdit. Mais comme, pour agir avec sens, il faut de nécessité une certaine vue de l’avenir, j’aurai un avenir que je tiendrai pour certain, et dans la vue duquel j’agirai. Et quand le perturbateur m’objectera que je n’en sais rien, je dirai : « C’est vrai ; mais sur ce point, ne faut-il pas agir sur une probabilité ? Cela est clair. Du reste, je mettrai tout entre les mains de la Providence, la chargeant absolument de moi. Je n’ai jamais mieux compris combien c’est peine perdue que de combiner des plans. Pour bien conduire un tel plan, il faudrait avoir un point d’appui, savoir l’avenir, comme un point fixe, pour y viser : mais c’est précisément ce qui nous manque, et ce que Dieu seul a. Par exemple, j’étais en grand émoi pour savoir si je devais accepter la tonsure, ou non. Or, il n’y avait qu’une manière de sortir de ce doute : c’était de savoir quelles seraient mes idées dans l’avenir. Accepter, ou n’accepter pas, ne dissipait pas l’embarras, car n’accepter pas, c’était une décision tout aussi tranchée que d’accepter. Si je n’accepte pas, je m’expose à un reproche éternel ; si j’accepte, je m’expose à m’en repentir. Le moyen de sortir de là, c’était de savoir ce que je serais dans vingt ans. Or impossible. Donc fiat voluntas tua, et faisons ce que nous dit notre directeur. Oh ! que je vous remercie, mon Dieu, de me l’avoir fait faire !

Je ne tiendrai pas du tout aux biens de la terre, commodités de la vie, etc. Je ne me permettrai de désirer que le nécessaire pour mener une vie tranquille et mettre à l’abri du besoin ma mère et ma sœur. Je tâcherai même de vivre toujours dans une certaine pauvreté.

En un mot, vie calme, simple, pauvre, humble, ayant des amis, la facilité de penser et d’étudier, et en même temps d’être utile à l’Eglise, hauteur de sentimens, bonté de cœur, élévation de pensées, recherches tenaces et inductives, piété élevée, simple et tendre, et surtout vérité en tout, dans mes sentimens,