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mais les savans qui ont étudié dans des vues supérieures, pour trouver la vérité et perfectionner leur nature, ceux-là la reçoivent avec courage. Je tâcherai d’être tel. Pour cela, j’e donnerai un rang très secondaire au désir d’estime ; si je ne peux le détruire, je verrai dans l’étude et dans la pensée la destination de mon existence, me disant à moi-même : Eh bien ! si je mourais actuellement, je pourrais me rendre témoignage d’avoir tendu pro modulo meo à ma fin. Je marierai à cette pensée un peu orgueilleuse quelque idée chrétienne.

Il faut que je me mette au-dessus de l’opinion, prêt à tout sacrifier pour la vérité. Je me nourrirai dans le goût de la persécution, esprit de saint Paul.

Je sens bien qu’actuellement il y a bien des mobiles en moi qui ne sont pas pour la pure vérité, je ne les ferai jamais entrer essentiellement dans mon type ; et je prendrai garde qu’ils n’étouffent jamais l’essentiel. Quand je sentirai qu’ils le font, je n’argumenterai pas pour les mettre à la porte, mais revenant simplement à mon type, et y adhérant par la volonté, je les laisserai tomber.

Je suis extrêmement porté à une vertu toute profane. Je me souviendrai que tout ce qui ne passe pas par Jésus-Christ n’est rien.

Je ne me tordrai pas la tête à faire par raison certains actes de piété, qui ne peuvent venir que de la grâce, par exemple, la contrition, l’amour de Dieu. C’est comme si on voulait prouver la géométrie par sentiment.

Grâce à Dieu, je commence à être un peu plus maître de mes troubles. Je continuerai la même méthode, n’argumentant jamais, et me dispensant même du sentiment projectif par ce raisonnement que si je l’avais eu, j’aurais jeté le trouble : or, que je l’aie eu ou que je ne l’aie pas eu, la chose est objectivement la même.

Sine amico non potes bene vivere. J’aurai des amis, salvd régulâ. Je serai simple et vrai dans mon amitié, comme en tout, n’ayant rien de caché pour mon ami, m’entretenant avec lui de l’intime de mon intime. Je serai ce que j’ai été jusqu’ici et mieux encore ; car c’est un des points où je suis le plus content de moi, excepté dans deux malheureuses circonstances, qui me pèseront toujours sur le cœur. Je tâcherai que mes amis sympathisent avec moi pour l’esprit et le cœur.