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ner par persuasion. S’il a tous les défauts, il a aussi les qualités d’un aventurier de son espèce. Rien n’a ébranlé sa ténacité, ni les conseils, ni les menaces, et il a été dès le premier jour évident qu’il ne céderait qu’à la force. Où était celle que M. Wilson se proposait de mettre en jeu ? On ne l’apercevait pas très bien. Cependant M. Wilson montrait une confiance inébranlable dans un dénouement, qui ne pouvait manquer d’être conforme à ses désirs et tous ceux qui l’approchaient étaient frappés du caractère de certitude qui apparaissait en lui.

Sur quoi donc comptait-il et quelle était son espérance ? Tout donne à penser qu’il comptait sur les divisions du Mexique et que, en favorisant, en soutenant les Constitutionnalistes, il espérait se servir d’eux pour venir à bout du général Huerta. Nous avons dit que les Constitutionnalistes occupaient une grande partie du Mexique, notamment le Nord qui confine aux États-Unis : par la frontière commune aux deux pays, M. Wilson a laissé se produire, ou plutôt il a favorisé une active contrebande d’armes et de munitions. Grâce à elle, l’insurrection a pris un assez grand développement, pas assez grand toutefois pour renverser Huerta. Enfin quels étaient ces constitutionnalistes dans lesquels M. Wilson avait mis sa confiance ? C’étaient un général Carranza, un général Villa, aventuriers de la même espèce que le général Huerta et dont on pouvait se demander si, dans le cas où il tomberait sous leur domination, le Mexique gagnerait au change. Et rien n’était plus incertain. On apprit bientôt que, forts des moyens d’action que leur avait procurés M. Wilson, ils pratiquaient beaucoup moins la guerre régulière que le simple brigandage et ne respectaient pas plus les intérêts et la vie des étrangers que ceux de leurs compatriotes. Un incident surtout a eu en Europe un long retentissement. Un Anglais, nommé Benton, a été mis à mort par le général Villa dans des conditions qui sont restées d’autant plus mystérieuses et suspectes, que le gouvernement des États-Unis, ayant demandé qu’on lui livrât le corps de la victime, n’a jamais pu l’obtenir. La version officielle était que Benton avait menacé de mort le général Villa et que, traduit pour ce fait devant un conseil de guerre, il avait été condamné à mort et fusillé. Mais une autre version courait et acquérait chaque jour plus de vraisemblance : c’est que le général Villa avait lui-même, à la suite d’une dispute, tué Benton d’un coup de pistolet. Le monde civilisé s’est ému : on s’est demandé de plus en plus si les protégés de M. Wilson valaient mieux que son adversaire. À Londres, comme on peut le croire, l’émotion a été encore plus vive qu’ailleurs. Une