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beaucoup d’autres croyaient le Soleil froid, obscur, couvert de montagnes et de vallées, revêtu d’une végétation luxuriante. Il est vrai qu’il énonça ces théories astronomico-bucoliques vers 1795, et que la mode était alors aux bergeries. Les cours royales elles-mêmes en étaient pleines. Pourquoi les astres auraient-ils échappé à la mode, et surtout celui qui avait eu l’insigne honneur de fournir un symbole au plus grand des Louis ?

Lorsque les Christophe Colomb de l’analyse spectrale, Kirchoff et Bunsen, eurent montré que la composition de la lumière solaire n’était compatible qu’avec un état d’incandescence élevée, on passa à l’autre extrême. Le Père Secchi notamment, qui par ailleurs a laissé en astrophysique des travaux qui ne périront pas, attribuait au Soleil une température de 10 millions de degrés. M. Violle qui, le premier, mit un peu d’ordre, dans cette incertitude, définit la notion de température effective, et montra que celle du Soleil ne saurait dépasser quelques milliers de degrés, m’a raconté que parlant un jour à Secchi de ces questions, il lui proposa de transiger et d’adopter entre leurs chiffres respectifs un nombre intermédiaire ; mais Secchi ne voulut rien entendre et il resta cabré avec une souriante intransigeance sur ses millions de degrés. Les travaux modernes des physiciens sur le rayonnement, qui seuls auraient pu le convaincre, n’étaient pas encore nés.

Le rayonnement total du Soleil est chaque année d’environ calories. C’est un nombre qu’on ne sait pas nommer et qui aurait 34 chiffres si on l’écrivait à la manière ordinaire. Qu’est-ce qui entretient sans défaillance depuis les commencemens de l’histoire ; qu’est-ce qui renouvelle sans cesse la perte énorme d’énergie que représente ce formidable rayonnement ? C’est une question que nous examinerons quelque jour.

Même si le Soleil rayonnait dans l’espace une quantité d’énergie rigoureusement invariable, l’expression constante solaire serait absurde, car la Terre, par suite de l’ellipticité de son orbite annuelle, recevrait même dans ces cas une quantité sans cesse variable d’énergie solaire (et qui dépasserait en janvier au moment du périhélie de près d’un dixième la valeur qu’elle a en juillet). En dehors de cela l’agitation constante et tumultueuse de la surface solaire, les variations extraordinaires que l’on observe dans son apparence et dont les taches sont, comme nous le verrons tout à l’heure, les plus curieuses, devaient conduire à penser que le rayonnement solaire n’est pas constant. Effectivement, c’est ce qu’ont établi des expériences récentes et tout