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REVUE LITTÉRAIRE


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LA CONVERSION D’HORACE[1]


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Horace était un gros garçon, de taille courte et de petite santé. Auguste lui écrivait : « Tu n'es pas grand, non ; mais tu as de l'embonpoint ; » et, recevant de ce large poète un mince volume : « Une autre fois, je veux un ouvrage qui n'ait pas moins de tour que ton ventre ! » Gai de nature, aimable et bien pourvu de bonhomie ; sincère jusqu'à se montrer un peu vulgaire, à l'occasion, plutôt que de se guinder jamais ; dénué de grandes idées, de nobles ambitions, de principes hautains et de tout ce qui fait le tracas de la vie ; énormément égoïste, consacré à son plaisir et à son repos, et plus lâche que brave, l'amant d'Inachia, de Phryné, de Cinara et de maintes fillettes fut sauvé de la turpitude, où il eut de la propension, par la petite santé que je disais et par le goût, qu'il avait délicat. Vers l'automne de l'année 38 ou au printemps de l'année suivante, avec Mécène, il partit pour Brindes. Dès la deuxième étape, il est très fatigué. Il souffre de l'estomac, se met au régime, craint que l'eau ne soit pas bonne, le pain tendre et léger ; dans l'incertitude, il ne mange pas. Quand Mécène, au cours du voyage, va jouer à la paume, lui se couche. Il a des maux de tête ; et même, il a de l'ophtalmie. Il voyage avec ses médicamens, ses onguens et collyres. Il n'a que vingt-sept ans alors. Toute son existence, il eut à se soigner : et, là-dessus, il ne badinait pas. Je crois qu'il s'écoutait. Il redoutait la neige et le froid ; l'hiver, il se réfugiait volontiers dans les stations chaudes de l'Italie méridionale. Il redoutait également la chaleur ;

  1. Horace, sa vie et sa pensée à l'époque des épîtres, étude sur le premier livre, par Edmond Courbaud, professeur adjoint à la Sorbonne. (Librairie Hachette.)