Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’être en Moldavie, où les propriétaires ne trouvent pas aussi aisément qu’en Valachie à affermer leurs terres, où le paysan n’a pas toujours le capital nécessaire pour entreprendre une exploitation fructueuse. Quoi qu’il en soit, la question est posée. Le parti libéral, revenu au pouvoir dès le début de l’année 1914, a dissous le Parlement. Les élections lui ont donné la majorité. Le Cabinet demande à la Chambre nouvelle de décider la convocation d’une Constituante, qui aura pour mission de modifier la Constitution. Cette proposition a été votée en première lecture le 5/18 mars 1914. Le principal changement consisterait à rendre l’expropriation plus facile, en obligeant le propriétaire à aliéner une fraction d’autant plus importante de son domaine que celui-ci est plus vaste. L’extension du droit de vote à un plus grand nombre d’électeurs, qui est le second article du programme réformiste, n’a pas, aux yeux de la nation, la même importance que le premier.

Le parti libéral et le parti conservateur étaient d’accord sur la nécessité d’une réforme agraire ; mais les vieux conservateurs, représentés par M. Majoresco, ne considèrent pas comme nécessaire de modifier l’article de la Constitution qui ne permet l’expropriation que dans des cas nettement spécifiés. Ils jugent que la mise en vente des terres domaniales, des biens de mainmorte, et, en dernier lieu, des propriétés particulières volontairement offertes, doit suffire à améliorer la situation. Les libéraux déchirent que, sans l’expropriation, la réforme ne peut se faire que d’une façon incomplète. Les conservateurs démocrates, par la voix de leur chef, ont déclaré qu’ils admettaient l’expropriation, mais à condition que le prix fût fixé par des magistrats inamovibles et payé en argent. Dans un éloquent discours prononcé à la Chambre le 3/1G mars 1914, M. Take Jonesco a expliqué pourquoi il considérait que l’expropriation, moyennant juste et préalable indemnité, était la méthode la plus sûre et la plus honnête, afin d’arriver au résultat désiré. Même une fois le principe voté, de graves problèmes se poseront au sujet de l’emploi à faire, par le gouvernement, de cette faculté. Les terres expropriées devraient, semble-t-il, être remises aux paysans, puisque c’est leur intérêt seul qu’on met en avant. Dès 1864, le prince Couza, en vertu d’un décret-loi rendu pendant que la Constitution était suspendue, leur avait distribué des terres domaniales, en stipulant que ceux qui en auraient reçu ne