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L’Etat, de son côté, détenait encore plus de 400 000 hectares, répartis en un millier de propriétés, reste d’un domaine quadruple au début du règne de Carol Ier. Une loi de 1911 a obligé l’Etat et les établissemens publics à affermer la plus grande partie de leurs domaines[1].

En quarante-six ans, les paysans ont reçu plus de deux millions et demi d’hectares, dont 1200 000 cédés par les grands propriétaires en vertu de cette loi de 1864 avant laquelle on peut dire, avec M. Djuvara, qu’il n’existait pas de régime de la propriété foncière, et 1 300 000 provenant des domaines de l’Etat et vendus par lui. La difficulté du problème réside à la fois dans la nécessité de distribuer des terres aux paysans et dans celle de maintenir la grande propriété et de développer la propriété moyenne. Car il serait déraisonnable de croire que la division à l’infini du sol serait un bonheur pour la Roumanie. La culture des céréales se fait d’autant mieux qu’elle couvre, jusqu’à une certaine limite, des espaces plus considérables. L’emploi des machines n’est pas à la portée du petit agriculteur. Des domaines étendus permettent le recours aux méthodes modernes : grâce à celles-ci, le travail ne manquera pas aux ouvriers agricoles, qui trouveront largement à gagner leur vie, même s’ils ne possèdent aucune parcelle en propre. La meilleure preuve en est l’immigration régulière d’ouvriers agricoles étrangers, qui, en dépit d’une réglementation très sévère, viennent tous les ans, au nombre d’une vingtaine de mille, prendre part aux travaux de culture. Aujourd’hui, l’étendue moyenne des propriétés paysannes est d’environ 3 hectares : il ne faudrait pas qu’elle descendît au-dessous de ce chiffre, bien qu’il soit encore supérieur à celui qui lui correspond en France et en Allemagne : et on arriverait infailliblement à un morcellement ultérieur dans un pays où la population croît tous les ans de 100 000 âmes. Il se produirait alors un phénomène analogue à celui qui s’observe en Russie, l’insuffisance des lots accordés a chacun. Il est vrai que dans ce dernier pays la situation était » jusque dans les temps récens, aggravée par le mode de répartition des terres dans le mir, où des parcelles infinitésimales et souvent très éloignées les unes des autres étaient données

  1. D’après le rapport de notre attaché commercial, M. Lefeuvre-Méaulle, en 1912 : 1 840 000 hectares étaient cultivés par 3 838 grands propriétaires et 4 122 000 hectares par 1 075 000 paysans.