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inutile. L’Assemblée admit, on parut admettre, que le Roi n’avait pas besoin d’être invité à une démarche qui allait de soi. « Quand un décret est rendu, qu’il est sanctionné, observa Treilhard, président du Comité ecclésiastique, le Roi est obligé de le faire exécuter. Il est donc inutile de dire qu’il prendra toutes les mesures nécessaires pour l’exécuter. » L’article évidemment avait quelque chose d’ambigu et d’insuffisant : « La Constituante, constate M. Mathiez, consentait à offrir au Pape le moyen de s’associer à son œuvre, elle ne lui permettait pas de s’y opposer. » C’était peu, mais il semble que beaucoup d’évêques n’en demandaient guère plus. Ils souhaitaient une ratification pontificale qui leur permettrait de s’incliner eux-mêmes en toute sûreté de conscience.

Même les prélats cités comme intransigeans ne sont pas irréductibles. Ecoutons, par exemple, l’évêque de Nancy, La Fare, protester contre la suppression des couvens : « C’est une vérité reconnue que l’existence politique des ordres religieux est entièrement subordonnée à la volonté de la puissance temporelle. Sans son intervention, ils ne peuvent pas plus continuer d’exister dans un Etat que s’établir sur un territoire. » Où est l’intransigeance, même chez cet intransigeant ? Le secrétaire d’État du Pape, le cardinal Zelada, ne s’y trompait pas. Il écrivait au nonce que les évêques de France ne s’émouvaient pas assez de « l’énormité de toute cette législation. » Et le fait est qu’ils en signalent bien les défauts, voire les impossibilités, mais avec une indulgence toute gallicane et l’espoir avoué qu’on y pourrait remédier. On s’en apercevra aux démarches que va tenter l’épiscopat pour tâcher de « baptiser » cette constitution civile, c’est-à-dire de la concilier en pratique avec les règles canoniques. L’abbé Barruel, ancien jésuite, qui sera un virulent adversaire des assermentés, écrit dans son Journal ecclésiastique, organe mensuel du clergé de droite : « L’enfant de l’Assemblée » ne fait que de naître. Il est à la porte de l’Église. Il demande à entrer. « Heureusement ses lois, sans être absolument les mêmes que les nôtres, ne sont pas jusqu’ici inconciliables avec nos dogmes. » Il en concluait que c’était à l’Église de trouver les moyens de mettre les prescriptions de la Constitution civile en harmonie avec les exigences canoniques. Et ces moyens, il les suggérait : non-acceptation par les métropolitains des mauvais évêques qui pourraient être élus, et non-acceptation des