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exercée sur lui a été de l’y admettre. Singulière victime, en vérité ! Sans doute il a été l’objet d’attaques très vives, mais c’est à quoi il faut s’attendre lorsqu’on fait de la politique et, quant à nous, nous ne lui chercherons querelle que sur un point : c’est lorsqu’il se présente, dans son discours de Mamers, comme un homme qui n’a jamais changé. « Ma tenue politique. dit-il, me vaut sans doute de retrouver toujours les mêmes adversaires, mais elle me vaut aussi de retrouver les mêmes amis. » On reste muet d’étonnement en présence d’affirmations pareilles. M. Caillaux est certainement l’homme de son temps qui a le plus évolué. On trouverait sans la moindre peine dans ses discours des citations pour appuyer toutes les opinions financières, tantôt celle-ci, tantôt celle-là, ou une autre encore, toutes celles qu’on voudra. Une manie chez lui plus constante, — il y a cédé une fois de plus dans son discours de Mamers, — est de comparer la situation actuelle à celle de la France à la veille de 1789, et la résistance qu’on fait à ses réformes à celle que les « ordres privilégiés » faisaient alors aux réformes de Turgot ou de Necker. Il y a pourtant quelque différence, c’est que nous n’avons pas aujourd’hui d’« ordres privilégiés. » Ce que M. Caillaux nous demande de sacrifier, dans une nouvelle nuit du i août, ce ne sont pas des privilèges, mais des principes, et ces principes sont précisément ceux que la Révolution a posés.

Ces considérations générales se présentent d’ailleurs comme des hors-d’œuvre, puisqu’elles n’ont qu’un rapport éloigné avec les élections et que, faut-il le répéter ? les élections sont la seule pensée du moment. Nous plaignons d’ailleurs les candidats qui se préparent à en courir les chances, car ils ne savent pas encore à quel mode de scrutin ils auront affaire. Sur ce point, notre conviction est faite depuis quelque temps déjà : il ne sera rien changé à la loi actuelle, et les élections auront lieu au scrutin d’arrondissement. Il faut renoncer à l’espoir chimérique de réformer le régime électoral avant le mois d’avril et se résigner à remettre intacte au pays la question que le Parlement n’a pas su résoudre : le pays dira une fois de plus ce qu’il en pense. Mais comment, sous quelle forme le consulter ? Un député impérialiste, M. Pugbesi-Conti, a proposé la forme d’un referendum, qui serait, a-t-il dit, une sorte d’enquête et n’aurait aucun rapport avec les plébiscites d’autrefois. Nous ne sommes pas bien sûr qu’en pareil cas la forme n’emporterait pas le fond et que ce qui aurait celle d’un plébiscite n’en aurait pas la réalité. Quelque opinion qu’on ait sur la matière, il faut bien reconnaître que la proposition de M. Pugliesi-Conti, improvisée, inopinée, survenant comme une