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REVUE DRAMATIQUE


THEATRE DE L’AMBIGU : La Danse devant le miroir, pièce en 3 actes, de M. François de Curel. — THEATRE-ANTOINE : Un Grand Bourgeois, pièce en 3 actes, de M. Emile Fabre. — GYMNASE : Les Cinq messieurs de Francfort, pièce en 3 actes, de M. Rœszler, traduction de MM. Lugné-Poë et Elias.


Il y a longtemps que M. François de Curel n’avait rien fait représenter. Tous les lettrés le regrettaient. Dans la littérature dramatique de ces vingt-cinq dernières années, il n’y a pas d’œuvre plus originale et souvent plus intéressante que la sienne. Je me souviens de l’effet que produisirent ses premières pièces. C’était aux beaux temps du Théâtre-Libre. Il n’y avait guère de rapports entre l’esthétique du lieu et celle de l’Envers d’une sainte ou des Fossiles, qui en était même exactement le contraire. Le Théâtre-Libre avait été inventé pour installer sur la scène la réalité la plus plate, la plus vulgaire et la plus quotidienne ; c’était le triomphe du réalisme, la glorification du trivialisme ; décor, dialogue, jeu des acteurs, tout était à l’avenant : on sortait de là avec une âme de parfait concierge. A quoi songeait-il de nous donner soudain ce théâtre étrange, déconcertant, qui ne ressemblait à rien de ce qu’on avait entendu là et ailleurs, et dont le premier caractère était de jeter le défi à toute réalité ? C’était romanesque et romantique, éloquent, déclamatoire, brillant, brillante, puissant, violent, profond, échevelé. L’admiration de quelques-uns alla tout de suite au délire ; nul ne resta indifférent. On avait eu ce sursaut, cette émotion, ce coup au cœur que donne la révélation d’un art très personnel. Les pièces qui suivirent, l’Invitée, le Repas du Lion, la Nouvelle Idole, tinrent toutes les promesses de leurs aînées et établirent sur des bases larges et solides la renommée de M. de Curel. Je