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POÉSIES


LE VOYAGE AU BORD DE L’EAU

La fin d’un jour d’été. Le ciel mauve est sans pli.
— De dociles roseaux qu’un souffle à peine frôle…
Des brumes qu’une fée attache à son épaule…
Un silence de paix, de tendresse, d’oubli…
Une onde paresseuse et la grâce d’un saule…

Je suis des yeux cette eau dont le ruban glacé
Semble, à travers les prés, une couleuvre lente ;
Cette fluidité magique, transparente,
Où l’heure, en déclinant, a pour moi nuancé
De vains reflets d’argent, d’azur et d’amarante…

Et mon rêve, guidé par le fil du courant,
S’éloigne… et puis s’éloigne encore… Je suppose
Par-delà l’horizon teinté d’un peu de rose,
Les chemins fabuleux, les beaux chemins que prend
Toute source limpide en ses deux rives close !

Je suppose à loisir l’étrangeté des ciels,
Les nocturnes soleils parés de sortilège
Et les mornes sapins tout ruisselans de neige
Qui se mirent, figés et comme artificiels,
Dans la virginité des ondes de Norvège…