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UNE VILLE ALSACIENNE.

riers, cordonniers et tanneurs, marchands et tailleurs, boulangers et meuniers, bouchers, dirigées chacune par deux sénateurs. Ils n’auront de cesse qu’ils n’aient arraché à l’Empire toutes les libertés et tous les droits qu’ils réclament.

Rodolphe de Habsbourg d’abord leur accorde la libre élection de leur magistrat, à la condition d’y laisser intervenir le prince abbé. Albert Ier les affranchit de la juridiction du tribunal de Spire. Charles IV permet l’accès des plébéiens au magistrat ; enfin Sigismond les allège de toute sujétion envers l’abbaye. Aussitôt, dans les armes de la ville, sur les tours et les portes, l’aigle remplace la couronne et la crosse abbatiales. Ils acquièrent encore l’usage commun des forêts et pâturages, jusqu’alors réservé aux religieux, le droit de battre monnaie et de constituer le tribunal caméral. En retour, un prévôt particulier, ou Vogt, choisi jusqu’au XVIe siècle le plus souvent parmi les nobles ou les patriciens, et soumis au Landvogt, prévôt de la préfecture d’Alsace, exerçait, au nom de l’Empereur, la justice criminelle dans la ville et le mundat et y administrait les droits impériaux. De plus la ville payait à l’Empire un cens qui ne dépassa jamais 800 florins et fournissait un contingent d’hommes et de chevaux pour l’armée. Les Empereurs la visitaient assez fréquemment. Outre le magistrat, un tribunal plus ancien, appelé justice graduelle ou Staffelgericht, parce qu’il siégeait sur les marches de pierre par lesquelles on descendait vers la Lauter, connaissait des affaires de succession et d’obligation et des affaires canoniques. Un prévôt le présidait. Tout membre du magistrat, qui refusait les fonctions de prévôt ou d’assesseur, devait quitter quelque temps la ville et, pour y rentrer, solliciter sa réintégration parmi les citoyens. On pouvait en appeler de ce tribunal à la justice camérale ou Cammergericht, composé de quatorze juges et qui siégeait une fois tous les deux ou trois ans. Une partie des assesseurs étaient chevaliers.

Il semble qu’avec des institutions si simples, la vie, dans Wissembourg, ville impériale, dût être facile. Bien au contraire. Rien n’est plus embrouillé que l’histoire de ces cités où s’immiscent sans cesse les comtes palatins, les princes de l’Église, les cités voisines, l’Empereur, l’abbaye. Les droits des uns et des autres sont loin d’être nettement définis. Dans un bailliage du mundat, un bailli palatin veut, à tort, exercer une juridiction ; le landvogt veut empêcher d’enterrer tout sujet de