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jour quand ils se ferment. Nul mystère intellectuel ne doit subsister quand le rideau est tombé. Cela est conclu et clos comme du Bach. L’esprit doit être satisfait. Comme le fil d’une broderie au filet après avoir passé dans tous les méandres du dessin revient à son point de départ, ainsi l’idée-nourrit les accidens du drame et encercle le problème posé. Il suffit de lire les pièces de M. Claudel pour voir cette expérience se répéter, et ce qu’il a voulu dire, une fois que le drame est devenu clair pour l’esprit, est fort net.

Dans l’Otage, par exemple, l’auteur a eu comme point de départ l’idée de la séparation entre le monde moderne et celui d’avant la Révolution. Séparation d’esprit encore plus que de fait. Un ensemble délicat de charges réciproques formait la base des rapports entre les hommes ; cette obligation mutuelle était entre eux le seul contrat, contrat de fait, non écrit, et qui avait pour garant la foi des traitans ; enfin toute seigneurie reposait sur la possession de la terre. Ce sont ces trois ordres de choses que la Révolution abolit (et d’ailleurs il est bien évident que le rouage ne fonctionnait plus normalement et M. Claudel ne semble pas chercher à faire l’apologie du siècle qui précéda la Révolution) ; en les abolissant cependant, elle détruisit ce qui reposait sur un ordre vivant, et y fit succéder des relations nouvelles et des contrats conventionnels. M. Claudel a rendu sensible cette démolition en y faisant consentir, sous la pression de la force, deux nobles êtres en qui toutes les abdications douloureuses de 1789 se renouvellent. Une nécessité qui n’a plus aucune raison de droit arrive à rétablir sur le trône ancien un roi constitutionnel, investi de son royaume par les mains d’un préfet de hasard trois fois renégat. Et les descendans des Coûfontaine seront eux-mêmes l’instrument de cette dernière reddition de leur race.


Georges de Coûfontaine. — Adieu donc, ô Roi que j’ai servi, image de Dieu !

Le Roi pas plus que Dieu n’acceptant de limitation que sa propre essence,

Tout homme dès sa naissance recevait le monarque au-dessus de lui éternellement à sa place par lui-même.

Afin qu’il apprît aussitôt que nul n’existe pour lui seul, mais pour un autre, et qu’il eût ce chef inné.