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HENRY LABOUCHÈRE
ET
LE RADICALISME D’AUTREFOIS

Il ne serait pas impossible d’écrire une histoire de la politique anglaise pendant ces trente dernières années sans y mentionner le nom d’Henry Labouchere. J’entends une certaine histoire, celle qui enregistre les faits accomplis et se fabrique avec des documens officiels, celle qui accepte les déclarations des hommes publics comme l’expression de leur pensée et leurs actes comme la conséquence de leurs principes. Labouchere, en effet, n’a été ni chef de parti, ni ministre ; il n’a attaché son nom à aucune mesure législative, à aucun mouvement parlementaire ; son rôle a été purement négatif. Mais, quand viendra l’heure de l’histoire définitive, qui voudra retrouver les masques sous les visages, connaître les vrais sentimens des hommes et les causes véritables de leurs actes, il faudra revenir à Labouchere, dont les boutades seront d’autant plus précieuses que les secrets de Polichinelle seront redevenus de véritables secrets.

Nous possédions, dans nos comédies de mœurs, il y a quarante ou cinquante ans, un personnage qui était chargé d’expliquer les caractères et de commenter l’action à mesure qu’elle marchait. C’était l’Ariste de Molière, dont la calme sagesse s’était tournée en satire à outrance. C’était, — disait-on encore, — le chœur de la tragédie antique, puisque, comme le chœur, ce personnage représentait la conscience publique. Mais comme il y a loin de la plate humilité du chœur antique, courbé sous