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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




On continue de se demander si le ministère que préside M. Doumergue et que dirige M. Caillaux ira jusqu’aux élections prochaines. La question reste en suspens. Que le ministère soit fragile, personne ne le conteste, mais il y a des choses fragiles qui durent à force de ménagemens, et le ministère se ménage lui-même plus que ne l’avait fait aucun de ses devanciers. On ne l’accusera pas de courir les aventures : il les fuit au contraire, et sa principale préoccupation est de ne rien faire, parce que c’est à ses yeux le meilleur moyen de ne donner prise d’aucun côté. Aussi est-il possible que le ministère aille jusqu’aux élections, et même, à parler franchement, cela devient chaque jour plus probable. Chaque jour, en effet, diminue le temps à parcourir. Si les élections ont lieu en mai, et si avril est consacré à la campagne électorale, il ne reste guère que deux mois de session. Avec quoi les remplira-t-on ? Avec rien. On commencera la discussion du budget, on ne la terminera pas. M. Caillaux, à la vérité, « conjugue » l’impôt sur le capital et l’impôt sur le revenu dans des projets auxquels il attache sa gloire, mais il sait fort bien qu’aucun n’aboutira avant longtemps, si même il aboutit jamais : à cette époque incertaine et lointaine, les élections de 1914 seront déjà, dans le passé, une date à moitié oubliée. Temporiser, voilà toute la politique du gouvernement, et il faut bien reconnaître que c’est pour lui la bonne, puisque c’est la seule qui lui permette de vivre.

Cette politique, M. Barthou vient de l’exposer au Cercle Voltaire, à Bordeaux, dans un discours très éloquent, qui peut se diviser en deux parties : il a consacré la première à se défendre lui-même contre les accusations dont il a été l’objet, et la seconde à parler du ministère actuel et de ses procédés.

M. Barthou avait-il vraiment besoin de se défendre ? Les attaques