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Qu’est-ce qui caractérise en définitive la vieillesse ? C’est que, comme nous l’avons déjà dit, les élémens anatomiques spéciaux des principaux organes (foie, rein, cerveau, etc.) s’atrophient aux dépens de la trame du tissu conjonctif qui leur servait de support et qui peu à peu se substitue à eux. Les tissus durcissent par cela même : la chair des vieux animaux n’est plus tendre. Nos corps sont comme des maisons où palpite la vie, que pénètre la lumière, et dont les murs peu à peu s’épaissiraient et se rejoindraient de toutes parts, fermant lentement l’ouverture radieuse des fenêtres, étouffant, dans les chambres diminuées, puis réduites à rien, tout ce qui y vivait. Cette dégénérescence des organes, qu’on appelle la sclérose, afflige aussi les vaisseaux sanguins et l’artério-sclérose en durcifiant les artères les rend moins aptes à leur souple fonction, plus fragiles, et elle cause chez les vieillards plus d’une hémorragie mortelle. — Mais un grand nombre de maladies chroniques ont à ce point de vue les mêmes caractères que la sénescence et se caractérisent aussi par une sclérose des tissus, et c’est ainsi que la vieillesse n’est peut-être qu’une maladie chronique. Or les scléroses des maladies chroniques sont généralement produites par des virus et des toxiques (au premier rang desquels il faut ranger la syphilis et l’alcool).

M. Metchnikoff s’est demandé quelle pouvait être l’intoxication qui cause la sclérose sénile et il croit l’avoir trouvée dans les fermentations que produit la flore microbienne de l’intestin. La vieillesse ne serait pour lui qu’un empoisonnement chronique causé par les microbes du tube digestif. Ces microbes sont fort nombreux : on les compte par milliers de milliards dans le seul gros intestin. Sont-ils nécessaires ou seulement utiles à leur hôte ? La question posée autrefois par Pasteur n’avait point reçu de solution nette et la plupart des bactériologistes regardaient la flore intestinale comme indispensable à la vie et à la digestion qui est sa fonction primordiale, sinon la plus noble. Les expériences, faites récemment au laboratoire de M. Metchnikoff par MM. Wolmann et Cohendy sur certains animaux, ont montré qu’il n’en est rien. On a pu élever et faire se développer depuis leur naissance, et dans des conditions de stérilisation absolue et contrôlée, de jeunes cobayes par exemple ou des poussins dont le tube digestif était parfaitement privé de tout microbe. Ainsi est démontrée la possibilité rigoureuse de la vie sans microbe.

Nous ne pouvons songer à maintenir notre intestin dans un pareil état d’asepsie complète, mais du moins devons-nous tâcher d’y diminuer les espèces qui élaborent les poisons capables ; l’expérience l’a