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nous reparlerons à propos d’un mal que l’on n’osait pas nommer avant M. Brieux, est une application des recherches qu’a suscitées Metchnikoff sur ce sujet. En outre, MM. Vaillard et Vincent ont découvert un fait bien curieux et où les phagocytes entrent encore en jeu, et qui se rapporte au tétanos : ils ont montré que la spore tétanique est à elle seule incapable de donner la maladie. Aussitôt qu’elle est introduite dans l’organisme, elle est englobée par les phagocytes et ne peut germer que si elle a le concours d’autres bactéries qui vivent près d’elle dans le sol. Celles-ci, en éloignant les phagocytes par leurs sécrétions toxiques, laissent le champ net à la spore qui, devenue bacille, élabore la toxine qui produit les contractures du tétanos. On voit par cette curieuse association microbienne que, même dans le monde infime des microbes malfaisans, l’union fait la force.


Par un détour imprévu et assez fréquent, dans la science, M. Melchnikoff est passé de l’étude de la phagocytose à celle de la dégénérescence de nos tissus et de notre organisme qui se produit sûrement avec l’âge chez tous les hommes. Les hommes meurent de maladie, d’accident ou de vieillesse. Et comme, suivant l’expression de M. Dastre, la maladie est un accident, la question se pose de savoir si ce que nous appelons la vieillesse n’en est pas un.

M. Metchnikoff le croit, et, pour lui, ce sont les élémens du tissu conjonctif, phagocytes, macrophages qui, se trouvant partout autour des élémens anatomiques spécialisés et plus nobles, dévoreraient ceux-ci dès que leur vitalité fléchit et prendraient leur place. Ainsi dans le cerveau, les phagocytes, se substitueraient peu à peu aux cellules nerveuses. Cette substitution est un fait certain, c’est la sclérose sénile. Ainsi les phagocytes, qui sont les artisans essentiels de notre bonne santé, deviendraient, lorsque leur rôle s’exagère, la cause de sa déchéance, il y a là un parallélisme bien suggestif avec ce qui se passe dans les nations : chez celles-ci, comme dans notre corps, les élémens combattans ont un rôle essentiel et nécessaire ; mais, dès que ces élémens deviennent prépondérans et se substituent à ceux qui assurent les fonctions les plus nobles de la cité (comme dans les républiques à pronunciamientos par exemple), celle-ci décline. Étrange affinité qui règle pareillement les collectivités humaines et les collectivités d’infiniment petits ! Les phagocytes donc, si j’ose dire, comme le sabre de M. Prudhomme, serviraient à défendre notre constitution et au besoin à la combattre.