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moyen de ces microbes. Du coup l’hygiène, telle qu’on la connaît aujourd’hui, et telle qu’on ne la pratique malheureusement pas encore assez dans les collectivités humaines, nous fournissait des moyens préventifs d’éviter ces maladies. Du coup aussi, comme le comprit Lister, puis son apôtre français, Lucas-Championnière, dont la mort récente a plongé dans le deuil la science française, la chirurgie recevait, grâce à l’antisepsie et à sa timide sœur l’asepsie, les moyens de se livrer à toutes les hardiesses sans crainte désormais de l’infection et de la gangrène, qui, autrefois, tuaient une si forte proportion des opérés et des blessés. Si, après avoir trop souvent dans le passé tracé seulement un chemin à la mort, le bistouri est devenu un instrument sauveur et sans danger jusque dans ses audaces les plus étonnantes, c’est à Pasteur qu’on le doit.

La thérapeutique médicale, à son tour, devenait tributaire de son puissant génie le jour, où, par les vaccins, il introduisit dans cette vieille science routinière, des médicamens nouveaux empruntés aux êtres vivans eux-mêmes, et, qui mieux est, aux êtres malades. La vaccination considérée en général (et qu’il s’agisse de la variole, du choléra des poules, du rouget des porcs, du charbon ou de la rage) a pour but de conférer une immunité en déterminant une maladie bénigne par l’inoculation d’un virus atténué. Dans le cas de la rage par exemple, le virus est obtenu en prélevant des fragmens de la moelle de lapins enragés ; on laisse dessécher plus ou moins longtemps ces fragmens, ce qui leur donne toute une gamme de virulence atténuée. L’immunité conférée par la vaccination exige pour se constituer un certain temps ; de là vient qu’elle est seulement préventive dans les maladies à incubation rapide (variole, peste, etc.) et curative uniquement dans les maladies à très lente incubation (comme la rage qui ne se déclare, comme on sait, qu’au bout de quinze jours au moins, et en général de plus d’un mois après la morsure).

La vaccination est donc, si j’ose dire, une sorte de traitement homéopathique. Elle est assimilable aussi au mithridatisme, dont le nom provient, comme on sait, du roi de Pont qui s’était habitué à ingérer des doses progressivement croissantes de poison pour se mettre à l’abri des entreprises toxiques de ses fidèles courtisans.

Il semblerait a priori qu’il en est de même de la sérothérapie ; un examen rapide de cette admirable méthode va nous prouver qu’il n’en est rien. Elle est issue indirectement des travaux de Pasteur et de l’idée pastorienne de traiter les maladies par des médicamens extraits des animaux eux-mêmes, et directement d’une expérience de