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pour le soulagement et le savoir de l’humanité, pour la disparition de ces deux tristes plaies, d’où naissent toutes nos amertumes : la maladie et l’ignorance.

Au cours de la cérémonie, si émouvante en sa simplicité, du 15 novembre passé, en présence de tous les savans qui travaillent sous la direction du docteur Roux, et de beaucoup de ceux pour qui on a inventé le beau nom de « Pastoriens, » M. Darboux, président du Conseil d’Administration de l’Institut Pasteur a accueilli le Président de la République avec des paroles qui, par une coquetterie délicate et évocatrice, étaient presque calquées sur celles-là mêmes que Pasteur, vingt-cinq ans auparavant, avait adressées à l’un des prédécesseurs de M. Poincaré. Et l’on eût pu se croire, à ce moment, reporté à la fondation même de l’Institut ; mais cette illusion fut bientôt dissipée, et on aperçut vite l’immense chemin parcouru depuis, lorsque le docteur Roux, en un discours qu’ornait la plus belle et la plus simple des éloquences, celle qui jaillit des faits et non des mots, et où personne n’était oublié, sauf le docteur Roux lui-même, établit le bilan succinct de l’œuvre accomplie.

Elle touche à presque toutes les disciplines qui concernent la vie, à l’agriculture, à l’hygiène, à la physiologie, à la chirurgie et surtout à la médecine. Je voudrais, avec nos lecteurs, la parcourir rapidement.


Tout le monde sait les circonstances à la suite desquelles a été fondé l’Institut Pasteur, car tout le monde a lu cette admirable Vie de Pasteur, de M. Vallery-Radot, que Plutarque eût aimé avoir écrite. L’enchaînement des faits qui amena Pasteur de la physique à la biologie alors qu’il étudiait l’hémiédrie des cristaux, ses recherches premières sur les fermentations, puis sur les maladies des vers à soie, sur l’atténuation des virus, du choléra des poules et du charbon, et sur la transformation des virus charbonneux mortels en vaccins, Cette courbe grandiose qui conduisait peu à peu et invinciblement le regard de Pasteur des infiniment petits aux végétaux, puis aux animaux supérieurs, devait par la force des choses l’amener jusqu’à l’homme lui-même. On sait cependant quelles furent ses hésitations, lorsqu’il s’agit, pour lui qui n’était pas médecin, d’empiéter sur un terrain qui, comme tous les terrains corporatifs, était jalousement gardé par des traditions respectables… et aussi par quelques préjugés. A son ami Jean-Baptiste Dumas, alors secrétaire perpétuel de l’Académie des