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REVUE LITTÉRAIRE

LA POÉSIE DE L’AMOUR[1]

Les poètes sont les plus heureux des écrivains : ils n’ont qu’à aimer. Tandis que d’autres vont à la bibliothèque ou observent la réalité, si mêlée, ils se promènent dans le bois de Bagneux. Au moment d’écrire, ils interrogent leur plaisir ou leur mélancolie, qui est encore un plaisir, et le plus délicat. Toute la besogne de la préparation, pour eux, est charmante ; si charmante que, parfois, [après un volume, ils s’attardent à en préparer un autre qui jamais ne paraîtra. On dit alors que le poète est mort jeune, et que l’homme lui survit ; mais non : le poète travaille, sans hâte aucune d’en finir. Amour et poésie vont ensemble, et baguenaudent. Il est rare qu’un poète de l’amour continue à donner des livres : je le comprends !

Mais, il y a quelque vingt ans, long espace d’une vie humaine, M. André Rivoire composait déjà des poèmes d’amour ; et il vient de publier son cinquième recueil : fidélité littéraire et persévérance du cœur. Durant ces vingt ans, la politique, la sociologie et la science multipliaient leurs tumultes ; les événemens sollicitaient les opinions ; maints problèmes de toutes sortes changeaient d’aspect ; les esprits les plus loyaux ne voyaient plus comme précédemment l’idéologie et la réalité ; les consciences subissaient de poignantes tribulations : M. André Rivoire composait des poèmes d’amour. Et l’on eût dit qu’il

  1. Le plaisir des jours, par André Rivoire. Du même auteur, les Vierges (1895) ; Berthe aux grands pieds (1899) ; Le Songe de l’amour (1900) ; Le Chemin de l’oubli (1904), — Lemerre, éditeur.