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certes, n’a et ne peut avoir la pensée de sortir de l’humble et honorable position qu’il occupe ; personne n’oserait nous en accuser ! Personne non plus n’oserait avancer que nous ne connaissons pas le peuple, dont nous faisons partie et dont nous partageons toutes les chances. Quoi qu’il arrive donc, quoi que nous ayons à dire, on sera obligé de nous entendre, de nous écouter et de tenir compte de nos paroles.


Au bout de sa première année, en septembre 1841, les rédacteurs de l’Atelier célèbrent, en termes parfaitement dignes, son légitime succès, un instant arrêté par la suspicion de néo-catholicisme et, suivant le mot de Martin Nadaud, « de trop grand attachement à notre église. » « Ce succès, disent-ils, est un fait plus significatif qu’on ne pense, et dont les fondateurs du journal peuvent à bon droit se réjouir, car les personnes qui le lisent doivent lui rendre la justice de reconnaître qu’il n’a jamais cherché à exploiter, en les exagérant, les douleurs populaires, ni excité les passions, ni flatté les appétits sensuels des travailleurs, en leur présentant la séduisante perspective d’un avenir de repos et de bonheur. L’Atelier a conseillé, par-dessus toutes choses, la modération dans les désirs, et la pratique des devoirs comme étant l’unique moyen d’obtenir des droits ; il a prêché et déterminé même l’application d’une théorie d’association industrielle qui pourra devenir le moyen d’un bien-être relatif pour le peuple, mais il n’a jamais promis d’existence sans douleur ni de travail sans fatigue ; en un mot, s’il a constamment insisté sur les efforts à faire pour sortir de la condition actuelle, il s’est bien gardé d’exagérer la récompense. »

Peu à peu, l’Atelier est arrivé à formuler de la sorte son programme au complet : « Préparer l’affranchissement moral du peuple par l’éducation ; — son affranchissement intellectuel par l’instruction ; — son affranchissement industriel par l’association ; — et son affranchissement politique par le droit d’élection. » Il serait d’un intérêt très vif de le suivre d’année en année : à travers les « introductions » où il marque, au début de chaque nouvelle période, le chemin parcouru et jalonne le chemin à parcourir encore, jusqu’au 31 juillet 1850, où il annonce sa mort, faute de pouvoir déposer un cautionnement de 18 000 francs : « LA MORT DE L’ATELIER. — L’Atelier est l’un des recueils périodiques mortellement frappés par la nouvelle loi contre la presse. Obscur, mais persévérant soldat de la