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27 septembre 1684.

Il n’y a pas moyen de sentir qu’il y ait une autre maîtresse que moi dans cette maison ; quoique je ne m’inquiète de rien, je me vois servie par de petits ordres invisibles.


Au commencement, la marquise, en vraie belle-mère, ne se sent disposée à louer la jeune femme que par des négatives : « Elle n’est point ceci ; elle n’est point cela. Elle n’a point l’accent de Rennes… Elle n’est pas empressée. « Mais bientôt elle la trouve toute pleine de raison, — « une personne d’une intelligence vive qui surprend, » et surtout elle lui sait gré de ce rare mérite d’avoir attaché à jamais le cœur flottant de son mari. « Il ne connaît le véritable attachement du cœur que depuis qu’il est marié. » Il tourne a la dévotion. « Il est dans la fantaisie de payer toutes ses dettes. « Bref, c’est un homme rangé, fixé et heureux.

Le « parfait ménage » aurait connu la vie rêvée, n’était le manque de santé : à quoi bon habiter une belle campagne ? Ils n’avaient que le souffle ! Le pauvre « petit compère » était bien puni de ses légèretés d’autrefois, car, dans son nouveau bonheur, les folies de sa jeunesse le poursuivaient encore. La grande réforme était faite, et la fuite des plaisirs, tous les mauvais liens rompus, — mais qu’ils ont laissé de traces indélébiles !… Sévigné n’aura pas d’enfans. Il veillera longtemps dans la souffrance une jeune malade adorée.

Lorsque Mme de Sévigné arrivait aux Rochers vers l’automne en 1684, elle était frappée de la triste santé du jeune ménage.


27 septembre 1684.

Ma belle-fille n’a que des momens de gaieté, car elle est accablée de vapeurs ; elle change cent fois par jour de visage sans en trouver un bon ; elle est d’une extrême délicatesse ; elle ne se promène quasi pas. Elle a toujours froid ; à neuf heures du soir, elle est tout éteinte : les jours sont trop longs pour elle.


Et comme ce fâcheux état ne s’améliorait pas, comme la petite femme demeurait toujours accablée de frissons et de fièvres, avec des maux de tête enragés, la marquise conseillait à ses enfans de s’approcher des capucins de Rennes, dont les innocens remèdes guérissaient en ce temps-là. Je ne sais s’ils