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brièvement commentée et suivie d’un recueil de cantiques et de prières.

J’étais en train de le feuilleter quand arriva une bande de petits garçons et de petites filles, qui se partagèrent en deux colonnes entre lesquelles vint se placer, debout au milieu de l’allée, un jeune vicaire. Et il se mit à parler, à droite, à gauche, un peu à la manière d’un chef d’orchestre, stimulant et dirigeant son petit auditoire, tandis qu’un prêtre montait à l’autel. La messe de communion des enfans commençait.

Le jeune vicaire lut à haute voix, dans le livret, une brève explication de l’office, puis tout de suite fit une prière, et tous ensemble, les cinquante enfans lui donnèrent la réponse. L’officiant à l’autel reproduisait le drame du Calvaire ; ces enfans menés par le jeune clerc faisaient le chœur antique. Je ne les voyais pas, il eût fallu me retourner, et ils n’étaient pas là pour me servir de spectacle, mais dans leurs voix qu’ils prodiguaient, je me délectais de ce qui s’exhalait de leur groupe, candeur, humilité de l’enfance, pureté des êtres sans alcool ni amour.

Quand vint le moment de la communion, ils se mirent en marche vers le chœur. Et le prêtre, portant le ciboire, descendit vers eux de l’autel.

Quel poète n’admirera l’Eglise quand elle élève l’hostie au-dessus du monde et que, tout d’abord, elle la donne à un enfant de sept ans ! C’est lui remettre une arme contre la bassesse, une flamme dont ceux qui la possèdent rendent témoignage qu’elle est leur trésor. Cette hostie divine, je n’ai pas qualité pour en faire le commentaire, mais je vois à travers les siècles toutes les hosties de l’humanité, toutes les nobles Iphigénie, toutes celles, toutes ceux qui se dévouent, toutes les victimes immolées.

Et maintenant qu’ils regagnent leurs places, je les regarde, ces petits Champenois si clairs, si nets, si positifs déjà, à la mine assurée. Je pressens à leur allure, à leur port de tête que plus d’un rejoindra les mécréans, non par surcroit de curiosité, mais par défaut ; trop aisément tel d’entre eux deviendra un zélateur des choses vulgaires. Bref, ils me semblent sains et bornés. Mais ils chantent avec énergie : « Je suis chrétien, » et qu’ils cessent un jour de le dire, ils le demeureront pourtant dans le principe de leur être.