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avoir tenté l’humeur conquérante du gouvernement de Constantinople, retombé entre les mains des Jeunes-Turcs. Nous aurons dans un moment à parler du mouvement intérieur qui a ; porté au ministère de la Guerre Enver bey, devenu Enver pacha, à la place d’Izzet. Ce dernier étant de race albanaise, pourquoi ne deviendrait-il pas aussi bien qu’un autre prince d’Albanie ? La principauté retomberait alors sous la souveraineté ou la suzeraineté du Sultan, et le gouvernement ottoman récupérerait par une voie indirecte une nouvelle partie des provinces qu’il a perdues. Il était peu probable que cette combinaison serait acceptée par les Puissances, si l’événement, ne les y forçait pas : en conséquence, un coup de main a été tenté sur Vallona au moyen de deux cents soldats et officiers turcs qui, déguisés en réfugiés albanais retournant dans leur pays, ont été arrêtés au moment de débarquer. On s’est empressé de réexpédier les soldats à Constantinople et on a retenu les officiers prisonniers. Izzet pacha a naturellement protesté qu’il n’était pour rien dans l’affaire et que les projets qu’on lui avait prêtés étaient de pure fantaisie : rien de plus naturel que son désaveu, puisque le coup avait manqué. Y a-t-il eu vraiment complot comme on l’a cru, et quelles ont été les ramifications de ce complot, on l’ignore. Essad pacha en était-il ? Et Ismaïl Kemal ? On l’a dit, sans trop le savoir. Ce qui est sûr, c’est que la situation de -l’Albanie est de nature à encourager tous les coureurs d’aventures, et que l’Europe fera bien, puisqu’elle a voulu créer, ou consenti à créer cette principauté baroque, d’y envoyer sans plus de retard le prince de Wied ou un autre. Mais il faudra plaindre celui qu’on y enverra. Il était déjà presque impossible de faire vivre ensemble les Albanais : quand on leur aura joint un lot de Serbes au Nord et un lot de Grecs au Sud, la tache aura besoin d’un surhomme. En attendant, les Grecs évacuent, puisqu’ils y sont contraints ; mais quel sera le lendemain de l’évacuation ?

Les Puissances de la Triple-Alliance, après avoir répondu sur le point de la note anglaise relatif à cette évacuation et au délai nouveau dans lequel elle doit être opérée, se sont recueillies pour répondre au reste. Leur recueillement dure encore, el on ne sait pas ce qui en sortira. Les bruits les plus divers ont couru à ce sujet : nous constatons avec plaisir que les derniers sont un peu plus optimistes, mais nous n’en garantissons par l’exactitude.

Les Puissances tripliciennes consentiraient, dit-on, à ce que les Grecs conservassent les îles qu’ils occupent, à l’exception de Tenedos et d’Imbros dont nous avons déjà parlé, et peut-être aussi de