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gouvernement britannique ne saurait accepter. Tout cela est énoncé en termes très simples, mais très nets, dans la note anglaise. Si nous voulions ici faire de la polémique contre les journaux italiens, la matière ne ferait pas défaut. C’est à nous, et à nous seuls, que la presse italienne adresse avec amertume le reproche de montrer une hâte extrême de voir l’Italie évacuer les îles du Dodécanèse, et d’exercer sur elle une pression peu amicale pour amener ce résultat. Sans doute le gouvernement français appuie l’Angleterre dans la notification qu’elle a faite, mais il lui en a laissé l’initiative. N’importe, on n’ôtera pas de l’esprit de la majorité des Italiens que c’est la France seule qui, par une hostilité secrète et jalouse, insiste pour l’évacuation des îles. La presse italienne veut qu’il en soit ainsi : ce serait perdre son temps que d’essayer de la convertir.

La France donc et la Russie ont adhéré tout de suite à la proposition de sir Edward Grey : les Puissances de la Triple-Alliance y ont mis plus de réflexion et de lenteur. Sur le premier point, la nécessité de prolonger le délai accordé à la Grèce pour l’évacuation des territoires attribués à l’Albanie, la réponse ne s’est pas fait attendre : les trois Puissances ont consenti à prolonger le délai jusqu’au 18 janvier. C’est peu ; on espérait un peu plus, par exemple jusqu’à la fin du mois ; mais enfin, la date du 18 a été acceptée par tout le monde. Il n’est pas douteux que l’évacuation sera faite dans le temps prescrit, mais nous sommes moins certains et plus inquiets de ce qui arrivera ensuite. Les territoires à évacuer sont habités par des populations incontestablement helléniques, qui détestent les Albanais et qui, après avoir cru à leur affranchissement, éprouvent une horreur plus grande du joug qu’on veut appesantir sur elles. Il faut s’attendre à des résistances qui ne seront pas faciles à vaincre. Mais c’est le même problème dans toute l’Albanie ! Ce pays, on le sait, est composé de pièces et de morceaux disparates, qui n’ont aucun lien entre eux et auxquels on aura bien de la peine à en donner un ; la question grecque n’est pas la seule qui se dresse au seuil de la principauté future comme une menace ; au dedans, l’anarchie est à son comble, sans qu’on puisse dire quel gouvernement en viendra à boul. On a cherché un prince pour l’Albanie ; il n’était pas facile à trouver. Enfin les Puissances se sont mises d’accord sur le nom du prince de Wied, dont on s’accorde à dire du bien, mais qui, trop intelligent pour ne pas pressentir les difficultés, peut-être les dangers de sa tâche, ne montre pas une grande hâte de gagner sa capitale, dont on ne sait d’ailleurs pas encore où elle sera. Cette situation confuse semble