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affectent d’y voir la cause du déficit. M. Jaurès annonce déjà l’intention d’interroger le gouvernement sur ses intentions définitives au sujet de cette loi. Au moment de la lecture de la déclaration ministérielle et de la discussion qui a suivi, les socialistes unifiés, bien qu’ils aient senti se refroidir de plusieurs degrés leur ardeur ministérielle, n’ont pas voulu se prononcer encore contre un Cabinet dans lequel ils avaient mis toutes leurs complaisances. Ils ont pris une altitude d’attente : ils se sont abstenus. Mais ils veulent maintenant savoir à quoi s’en tenir sur la vraie pensée du gouvernement. Regarde-t-il la loi militaire comme un accident provisoire, un fait fâcheux avec lequel il faut biaiser et ruser jusqu’au moment où on pourra le supprimer ? Alors, les socialistes unifiés et les radicaux seront avec lui. Mais, si la loi est à ses yeux un fait permanent, correspondant à une situation internationale destinée à durer et qui devra durer avec elle, les socialistes unifiés et la plupart des radicaux sentiront grandir et gronder dans leur cœur les colères violentes que M. Vaillant a si bien exprimées lorsqu’il a accueilli la chute de M. Barthon en criant : « A bas la loi de trois ans ! » Les socialistes unifiés elles radicaux-socialistes refuseront de vivre plus longtemps dans l’équivoque ; mais que deviendra le gouvernement s’il en sort ? Incontestablement, sa vie est précaire Ce qui le sauvera, peut-être, c’est qu’il n’a à gagner que quelques semaines pour atteindre les élections. Faire ces élections est le seul but qu’il se propose en ce moment : il y sacrifiera tout.


Au dehors aussi, il s’en faut de beaucoup que la situation se soit simplifiée. Pour la faire bien comprendre, revenons à quelques semaines en arrière, au moment où sir Edward dey a saisi les jouissances, faut-il dire d’une proposition véritable, ou plus simplement de la manière de voir du gouvernement britannique au sujet des affaires d’Orient ?

Cette seconde expression est sans doute celle qui se rapproche le plus de la vérité. Quoi qu’il en soit, c’est une initiative formelle, qu’a prise le ministre anglais, et il faut lui en savoir gré. Qui pourrait dire si la Conférence des ambassadeurs à Londres se réunira de nouveau ? Pour le moment, elle est comme tombée en léthargie, et les Puissances de la Triple-Alliance, notamment l’Autriche et l’Italie, sous prétexte d’exécuter ses décisions, se sont livrées à des actes isolés qui leur ont donné l’apparence d’avoir seules pris en main la direction des événemens. Cette apparence n’est pas sans danger. L’action de