Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accourant vers eux avec une mine piteuse, leur cher et vénéré chef de la veille, le major von Ziegler, qui leur demande la permission de combattre dans leurs rangs, comme un simple soldat ! L’infortuné les a quittés pour commander, précisément, l’un de ces bataillons de chasseurs rhénans qui viennent de déserter en masse, sans se soucier de la honte qu’ils lui infligeaient !


Un accident déplorable a détruit les pages suivantes du manuscrit de Krimer, où celui-ci nous rapportait ses aventures pendant la bataille de Waterloo. Le fils de l’ancien Chasseur de Lützow, qui avait eu naguère l’occasion de lire ces quelques pages désormais perdues, se rappelait surtout que son père y décrivait « la dernière attaque des hussards prussiens, au cours de laquelle fut pillée la voiture personnelle de Napoléon. » Par suite de circonstances qui risquent malheureusement de nous demeurer toujours inconnues, cette voiture, au moment où l’industrieux Wenzel Krimer en a tenté l’assaut, se trouvait habitée par un certain « aumônier militaire français, » qui avait entassé autour de soi, sur les coussins, un grand nombre de croix, de ciboires, de calices, et d’autres objets pieux en bon argent massif ; et le fait est que, dès la première page de son manuscrit qui succède à la fâcheuse lacune susdite, l’auteur nous parle de l’étonnement amusé de ses camarades lorsqu’ils l’ont vu revenir « avec cet étrange butin ; » après quoi il signale à notre indignation la conduite éhontée d’un prêtre de Saint-Quentin qui, quelques jours plus tard, au lieu de consentir à lui acheter le même « butin, » a osé exiger qu’il le restituât sur-le-champ, sous peine de sacrilège ! « Mais je ne poussais pas la sottise pieuse jusqu’à me laisser ainsi dépouiller d’un trésor dont la prise m’avait valu une balle de pistolet dans les reins (car Krimer avait été blessé par l’aumônier, avant de le poignarder dans sa voiture). J’ai donné simplement au prêtre un ostensoir de cuivre doré, et puis j’ai secoué sur sa table toutes les hosties que contenait le ciboire. Quant à tout ce qui était en argent, parmi mes objets religieux, je l’ai soigneusement repris, et en ai vendu une partie à un orfèvre de la même ville moyennant 600 francs. »


Aussi bien la perte du feuillet consacré au récit de la bataille de Waterloo se trouve-t-elle, pour nous, amplement rachetée par la lecture des chapitres où Wenzel Krimer nous raconte son entrée à Paris avec les troupes alliées victorieuses, le long séjour qu’il y a fait, et de quelle manière son régiment a été ensuite envoyé à Chartres, pour