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Le beau tapis de l’ombre, aux pieds des orangers,
Et les versets divins qui courent sur la pierre ;

Les nattes où le corps s’allonge indolemment,
La nudité des murs, l’austérité des lignes,
Le mihrab, constellé de faïences insignes,
Pôle du ciel mystique, orgueil d’Allah clément ;
Les nefs où la clarté s’apaise indolemment,
Et mêle son sourire a la courbe des lignes.

Tout cela, noble joie et calme volupté,
Architecture sainte et pieuse harmonie,
Prépare le croyant à l’ivresse infinie,
À son absorption dans son éternité :
Rien qui ne soit repos, mystère, volupté ;
Ici, l’âme se berce en sa propre harmonie.

Mais pourtant, aujourd’hui, premier de ramadan,
Ce sanctuaire illustre, aimé par le Prophète
(Que la droite d’Allah demeure sur sa tête),
Est rempli d’une voix qui déferle en grondant.

L’Iman, au nom d’Hiba, prêche la guerre sainte :
Les yeux proéminens, le burnous en lambeaux,
La Foi, la Certitude étant ses deux flambeaux,
Il fait tonner son verbe aux échos de l’enceinte.

Berbères, Chénagtas, visages clairs ou noirs,
Les hommes de la plaine et ceux de la montagne,
Les chasseurs du désert que la soif accompagne,
Et les coupeurs de route aux aguets, dans les soirs

Tous sont là, différens par l’âme, par la race,
Mais tous unis ensemble et mêlés fortement
Ainsi que des moellons par le même ciment,
Par la même croyance et par la même audace

Tous, amans de la poudre et des fantasias,
Monteurs de méharis et dompteurs de cavales,
Ils ont un chapelet aux boules inégales,
Et le turban sacré serre leur crâne ras.