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l’exposerai sans détour, et je suis convaincu que nous nous mettrons d’accord sur le but à atteindre, alors même que nous reconnaîtrions que nous y sommes conduits, les uns et les autres, par des voies variées. (Très bien ! très bien ! à droite.)

Il y a près de deux ans, la Chambre a examiné la situation critique de nos églises. Depuis deux ans, cette situation n’a fait que s’aggraver. Et cette aggravation du péril, à bien voir, est absolument inévitable, car elle tient à l’état même de notre législation.

Sous le régime du Concordat, il y avait les fabriques, corps ecclésiastiques constitués pour l’entretien du culte, et dont les revenus devaient être employés, en cas de besoin, aux réparations des églises ; il y avait les communes, qui étaient obligées à ces réparations en cas d’insuffisance du revenu des fabriques ; il y avait enfin un crédit dans le budget de l’État, qui comprenait des fonds destinés à être répartis à titre de subvention.

Aujourd’hui, par l’effet de la loi de Séparation, les fabriques ont disparu ; les communes, tout en étant devenues propriétaires, ne sont plus obligées aux réparations, et enfin le fonds de subvention a été supprimé.

Les fidèles mêmes qui voudraient courir au secours de leurs églises, que peuvent-ils ? L’argent qu’ils apportent peut être refusé par la commune propriétaire. Si la commune l’accepte, elle n’en doit aucun compte, elle n’est tenue dans aucun délai, soumise à aucun contrôle : le souscripteur n’a aucune garantie.

Ainsi, dans la situation légale où se trouvent aujourd’hui nos églises, personne n’a la responsabilité de leur entretien. Et les meilleures volontés peuvent être écartées. Le résultat, c’est que toutes nos églises, dans un délai plus ou moins long, sont vouées à la ruine.

Eh bien ! de cela l’opinion publique ne prend pas son parti. J’ai déposé sur le bureau de la Chambre une immense pétition vous demandant de protéger l’ensemble de nos églises, de sauvegarder la physionomie architecturale, la figure physique et morale de la terre française. Cette pétition est chargée des noms les plus illustres ; elle contient quasi tous les membres de l’Institut et des académies et sociétés archéologiques de province, et puis des représentans de notre Université. On y voit tous les âges. Auprès de grands artistes fameux se sont groupés les