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représentent. Négligeant M. Doumergue qui n’est qu’un paravent, il est allé droit à M. Caillaux.et lui a adressé quelques-unes de ces paroles qui créent entre les hommes de l’irréparable, — autant du moins qu’il y en a en politique. C’est bien la guerre que M. Briand a déclarée, en quoi d’ailleurs il n’a fait qu’une réplique : le club de la rue de Valois avait commencé.

Mais on s’est demandé ce que serait le lendemain du discours de Saint-Étienne. En aurait-il un ? L’action entamée en paroles si véhémentes se poursuivrait-elle en actes ? Le caractère de M. Briand pouvait inspirer des doutes à ce sujet. Il est éloquent mais nonchalant et, après avoir fait un discours, il est sujet à de longs repos. C’est bien à tort qu’on l’a traité d’« endormeur ; » il ne l’a pas été au pouvoir ; mais il paru quelquefois endormi lorsqu’il n’y était plus. S’est-il, cette fois, réveillé tout à fait et pour longtemps ? Nous voulons l’espérer et notre espoir vient de la convocation qu’avec quelques-uns de ses collègues, il a adressée à une centaine de sénateurs et de députés, pour les inviter à s’unir à lui et à s’organiser en vue des élections prochaines. Parmi les collègues de M. Briand qui ont signé avec lui cette convocation, il y a MM. Barthou, Jean Dupuy, Pichon, Etienne, Millerand, Thierry, Joseph Reinach, Klotz, Guist’hau, etc. Ce sont là des noms qui comptent dans le monde parlementaire et un tel groupement peut, à coup sûr, soutenir la comparaison avec celui de la rue de Valois. L’organisation manquait au parti républicain de gouvernement : va-t-on enfin lui en donner une ? On voit ce qu’elle a fait du parti radical-socialiste, qui est celui de toutes les médiocrités, et, certes, nous connaissons la force des médiocrités lorsqu’elles s’unissent ; nous la connaissons trop ; mais les capacités ont aussi la leur, lorsqu’elles s’unissent à leur tour. En tout cas, nous voyons pour la première fois des hommes qui d’ordinaire se réservent davantage, craignent de s’engager et volontiers s’abstiennent, se grouper ostensiblement autour d’un drapeau hardiment levé. Le discours de Saint-Etienne est en partie une défense personnelle et en partie une attaque contre des adversaires insolens, mais il est aussi un programme, et ce programme peut se résumer en quelques mots ; abolition des tyrannies locales, indépendance de l’administration, liberté électorale. C’est un noble programme : puissent tous ceux qui l’acclament le soutenir fidèlement jusqu’au bout ! S’il en est ainsi, il y aura quelque chose de changé dans la République.

La partie la plus spirituelle, la plus piquante, la plus amusante du discours de Saint-Étienne est celle où M. Briand compare les belles