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les initiatives que réclame à chaque instant l’état perpétuellement changeant de la science ; de l’éclairer toutes les fois qu’il le désire. » Malheureusement, même dans ce dernier cas, — on l’a vu récemment lors de l’adoption de la pièce de 25 centimes contre l’avis de l’Académie des Sciences, qui la rejeta comme contraire à l’unité du système métrique, — on ne défère pas toutes les fois qu’il le faudrait à ses avis. Ces idées si simples et si larges, M. Darboux les a continuellement appliquées dans ses hautes fonctions, et aussi dans la fondation de ces grandes entreprises internationales auxquelles il a pris une part prépondérante, comme l’Association internationale des Académies, et, plus récemment, l’Association internationale de l’Heure. Dans cette dernière entreprise, fondée il y a quelques semaines à peine par une conférence diplomatique qu’il présidait, c’est à son tact courtois et ferme, à ce que M. Barthou, alors président du Conseil, a si bien appelé « sa douce énergie, » que l’on doit d’avoir, en dépit d’obstacles soulevés par des susceptibilités nationales délicates, obtenu des résultats qui sont un honneur pour la France. Par tout cela l’auteur du volume que nous étudions a servi la science non moins que par les découvertes qui, dans le monde transcendant et pur des formes idéales, ont fait de lui, comme le lui disait Henri Poincaré, « un créateur d’idées, un pionnier scientifique, un des classiques de la géométrie. »


Le style de M. Darboux mériterait à lui seul une longue étude. Il est, si j’ose dire, rectiligne et clair, net, concis, élégant, généralisateur comme sa géométrie. On le sent dédaigneux de tout ce qui est pure forme, littérature sans pensée, vêtement sans corps. Nous en avons déjà donné des exemples. La seule recherche qu’on y peut découvrir est celle de la simplicité. De là cette netteté de médaille, cette concision presque latine, et en tout cas bien classique, de certaines de ses phrases. Parfois, pourtant, on y découvre des images, mais si simples, si lucides, si adéquates aux idées qu’on en oublierait presque qu’elles sont belles tant elles sont justes. Lisez celle-ci : « La science procède, comme Dante dans son poème, par cercles successifs. » Et cette autre à propos des grandes entreprises scientifiques internationales : « Ces œuvres internationales me paraissent jouer dans les relations des peuples le rôle de ces pilotis que l’on enfonce dans les terrains dangereux et mouvans. Quand ils sont en assez grand nombre, on peut construire au-dessus des édifices durables et solides. » Et ceci encore